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"Man, you are one twisted fuck. / Nope; I'm just an ordinary guy with nothing to lose."

C'est un film qui donne à réfléchir, bien sûr pour sa description fine de la société américaine, mais également pour son ambivalence et la façon dont le public intègre ce qu'il montre.


"Look closer."


Des hommes comme Lester, il y en a à la pelle. Kevin Spacey l'incarne à la perfection, lui donne une âme, on arrive à le comprendre et même à avoir de l'empathie. C'est la définition de l'antihéros auquel on peut s'identifier. On ne le voit plus comment il est réellement : un violent manipulateur qui refoule ses frustrations masculinistes sur sa femme, car il la perçoit comme détenant plus de pouvoir et que cela le dégoûte. Carolyn passe pour l'hystérique, la névrosée castratrice, mais c'est elle la vraie prisonnière de son mariage malheureux : elle doit mener de front sa carrière, son foyer, l'éducation de sa fille, tout en gardant une apparence épanouie - car la femme moderne se doit d'être parfaite sur tous les plans. Elle ne supporte plus son mari égoïste qui lui jette ses propres problèmes existentiels à la figure sans jamais s'interroger sur les siens. Elle trouve alors des échappatoires (une affaire extra-conjugale avec un homme qu'elle admire, l'usage d'armes), qui lui donnent le sentiment de reprendre le contrôle sur sa vie car elle-même n'a jamais demandé à se retrouver dans cette position de méchante chef de famille. On arrive à rire de leurs échanges acides, si seulement cela ne sonnait pas si "vrai". Il en est de même pour la relation entre Lester et sa fille.


"What do you expect? You can't just suddenly become my best friend because you've had a bad day! I mean, come on...you've barely spoken to me for months."


J'aurais exactement pu sortir cette phrase à mon père un nombre incalculable de fois si l'hypocrisie ne régnait pas autant dans notre relation. Et en même temps, il y a aussi le côté de la fille qui aimerait désespérément être appréciée par son père - au moins autant qu'il porte de l'attention à son amie Angela.


C'est son attirance obsessionnelle pour Angela qui fait basculer la vie de Lester. Elle est devenue le symbole de sa jeunesse perdue. La manière dont certaines critiques parlent d''amour" pour qualifier les fantasmes d'un quadragénaire sur une adolescente est surprenante : le personnage d'Angela est construit pour être un miroir de celui de Lolita de Nabokov. Lester n'est rien d'autre qu'un de ces "vieux" qui la regardait lubriquement lorsqu'elle avait 12 ans, comme elle le raconte à Jane dans sa voiture. Elle s'est construite à travers tous ces regards, elle a appris que sa seule valeur se trouvait dans le désir qu'elle déclenchait chez les hommes. Sans cela, elle serait "ordinaire".


Au final, plus j'y pense, plus je trouve que les gens ont mal appréhendé le film. Cela peut paraître jouissif de voir un homme dire "fuck" au système et abandonner toute responsabilité pour trouver le bonheur et la liberté, mais on n'en vient à ne plus voir les souffrances et les répercussions malheureuses que ses actes entraînent autour de lui. L'ironie de sa mort, venant du personnage qui tient sans doute le grief le moins profond envers Lester (seulement celui d'avoir réveillé sa haine de lui-même en ne le désirant pas en retour), l'absout encore davantage.


Au final, le message philosophique perd de sa valeur pour moi, car Lester me reste très antipathique. Mais le film ne perd pas d'intérêt notamment en tant qu'objet sociologique, très intéressant à étudier pour ce qu'il dit de nos modèles patriarcaux aujourd'hui encore.

nelopee
7
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le 11 mars 2018

Critique lue 226 fois

nelopee

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