Elle danse, elle ? Non, elle est russe, elle.
Tout d'abord, il me faut m'excuser pour ce titre absolument nul, mais que j'assume pleinement.
Donc Russell Crowe joue un flic bien droit dans ses bottes, honnête et qui recherche la justice et l'épuration au sein de la police corrompue. Il joue aussi un flic qui peut être parfois un peu nerveux, assez direct dans ses méthodes. Un peu dans le genre de l'inspecteur Harry. Ou de Bud White, dans "L.A. Confidential". Joué par... Russell Crowe. Pas que je n'aime pas l'acteur, au contraire, mais il semble sortir difficilement de ce genre de rôle, avec son air de chien battu, son sourire vaguement ironique. Passons.
Denzel aussi a des rôles souvent très typés. Il joue ici un parrain de la mafia, mais il ne peut pas incarner un vrai "méchant", il y a toujours dans ses rôles un côté assez humaniste. Les scènes où il doit sévir sonnent faux, que ce soit par la caractérisation du personnage, mais surtout par son incarnation par Denzel Washington.
Les interprétations, donc, sont attendues, correspondent aux acteurs, qui "font le job", ni plus ni moins, ne livrant dans leur duel presque amical aucune prestation qui restera dans l'histoire, et bien de rôles comme celui de Brando ou De Pacino dans les films de mafieux. Car c'est ce dont il est question. Pendant plus de 2h30. Ça fait un peu peur, ça emprunte des voies déjà connues, mais finalement, le scénario, bien que linéaire et classique, est assez bien ficelé pour que ça tienne la route. Surtout, au-delà de l'idée très actuelle de "l'inspiré de faits réel", le film parvient à se situer historiquement. L'action est placée au cœur de la guerre du Vietnam, et sans être spécialiste de l'époque, je crois que Ridley Scott arrive à en faire une assez bonne reconstitution. Que ce soit sur le plan de la musique ou des décors, rien ne me semble trop anachronique, mais je peux me tromper. Surtout, Ridley Scott arrive à se placer dans la lignée des films sur la drogue de l'époque qu'il filme. La photo assez sombre, le cadre urbain déshumanisé, grisâtre, des lumières souvent ternes, ces voitures parquées partout, cet espèce de grain vaguement naturaliste, autant de détails qui ne sont pas sans rappeler des classiques comme "Conversation secrète" ou "The French Connection". La référence ne loupe pas, cette "french connection" est d'ailleurs évoquée dans "American Gangster".
Mais en dépit de cet aspect très référencé, on sent bien que le film est récent. Le montage, les dialogues, le jeu d'acteurs, tout est là pour montrer que le cinéma a changé, qu'il existe des stéréotypes du cinéma contemporain même quand on essaie de s'approcher d'une autre époque. On peut le déplorer, on peut trouver que cela affaiblit le film avec trop de clichés, ou trouver que Scott parvient à une belle synthèse, à moderniser le genre tout en lui restant fidèle. En plus de ces clins d’œil, le film joue avec le spectateur. Dès qu'on sait d'où vient la marchandise, on sait que l'entreprise de Frank Lucas court à sa perte. Le spectateur sait que la guerre du Vietnam approche de sa fin et anticipe les problèmes de distribution auxquels devra faire face le parrain.
Un film de genre qui arrive donc à rester fidèles aux sources, à jouer sur l'effet spectateur, et qui est pourtant ancré dans le cinéma contemporain, avec des interprétations typiques des acteurs, mais dans l'ensemble correctes. Un scénario somme toute efficace, qui n'évite pas les longueurs mais ne les accumule pas non plus, quelques lourdeurs comme la fin du film (procès + réinsertion, malgré une dernière phrase bien placée). Pas de quoi détrôner les classiques du genre, mais aucune raison de bouder son plaisir !