Cinq ans après la splendide adaptation des Hauts de Hurlevent, revoilà Andrea Arnold et son cinéma hyper physique. American Honey, reparti du dernier festival de Cannes avec le Prix du jury, nous embarque sur la route au coeur de la jeunesse américaine du Midwest. Il suffit que Star, 18 ans et des bleus à l'âme à revendre, croise la silhouette cool de Jake dans un supermarché pour qu'elle abandonne tout c'est à dire rien, l'affection pour ses demis frère et soeur dont la démission des parents lui avait laissé la charge mais surtout l'affection déplacée d'un beau-père aussi alcoolique que libidineux. Jake le joli coeur propose à Star un job, la promesse de voir du pays et plus si affinités. Jake crée le contact mais c'est Krystal qui recrute Star dans son équipe de vendeurs porte à porte de magazines. Le film va tisser deux récits, le road movie et la vie de groupe d'une part et la romance chaotique entre Star et Jake d'autre part. Andrea Arnold filme caméra à l'épaule la vie du groupe enfermé dans le cadre 4/3. Le cinéma intense de l'anglaise met le spectateur à l'épreuve du mouvement incessant. La réalisatrice anglaise capte l'énergie de ses personnages survitaminés avec frénésie dans un tourbillon musical aussi rythmé que les morceaux de trap qui emplissent l'habitacle de la camionnette dans laquelle le groupe se déplace de ville en ville. En sous-texte mélancolique, les coup d'oeil contemplatifs accentuent par oxymore la puissance de ce cinéma frontal. Des plans fixes sidérants de beauté comme autant de pause au milieu de l'effervescence. Arnold convoque tout un bestiaire, de l'insecte à l'ours en passant par l'écureuil ou le cheval. Une attention dans la répétition (Star redonne sa liberté à une guêpe, une tortue) qui renvoie à la dureté de la vie naturelle et métaphorise le management à l'oeuvre en véritable loi de la jungle. C'est la soirée des losers au cours de laquelle les deux moins bons vendeurs de la semaine doivent s'affronter à mains nues entre jeu alcoolisé et brimades consenties. La scène est d'autant plus forte qu'elle succède à une scène de sexe qui se conclut par un plan somptueux de corps alanguis et flous dans le rétroviseur de la voiture arrêtée au milieu d'un champ. Le film joue souvent sur des ressorts balisés : la galerie de portrait, l'histoire d'amour cachée au milieu du groupe, la vie du groupe en lui-même mais est aussi capable de dessiner un personnage inouï et complètement inédit, celui de Krystal cette manageuse poupée barbie sans pitié. Sa relation avec Jake aurait sûrement mérité d'être davantage développée, le contrat qui lie les deux personnages, complexe et malsain recèle finalement un potentiel plus original que la romance contrainte. On déplorera également une durée excessive qui finit par se retourner contre le film. Une ou deux boucles narratives auraient pu être soustraites.
American honey tient beaucoup de promesses, confirme le talent d'Andrea Arnold mais aussi celui de son chef opérateur Robbie Ryan, révèle quelques beaux acteurs dont Sasha Lane dans le rôle principal accompagnés par le magnétique Shia LaBeouf. Réussite esthétique, le film pêche hélas par un scénario lâche et parfois convenu. Pour l'expérience sensorielle il faut y aller, pour le chef d'oeuvre on retournera voir Les Hauts de Hurlevent.

Fx_Thuaud
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le 14 févr. 2017

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