Tout passe, tout casse, tout lasse, tous s'efface...
Le dernier film de Jim Jarmusch déroule pendant une semaine la vie de Paterson (Adam Driver, le Grégoire Colin américain) chauffeur de bus à Paterson, New Jersey et poète amateur. Le film développe une poétique de répétition et travaille les traces temporelles déposées sur l'écume de la routine. Il questionne également la mémoire, celle que le cinéma de patrimoine ravive, celle collective et locale que le patron de bar rend visible sur son "wall of fame" enfin celle que ne peut mobiliser Laura, la petite amie de Paterson quand le "drame" survient. Les guillemets sont nécessaires tant Paterson incarne une figure du stoïcisme radical. Une autre scène dramatique relèvera du théâtre et mettra en scène un pistolet/jouet mais surtout révèlera Paterson comme impropre à comprendre cette pantomime.
L'action du film se déroule dans une contemporanéité imprécise comme certains films de Kaurismaki savent le faire (Le Havre notamment), on se surpendrait presque lors d'une rêverie à laquelle le film non seulement nous invite mais nous encourage, à remplacer Golshifteh Farahani par Kati Outinen et la bière par un alcool fort. Le contemporain, Paterson le vit en résistance, il refuse de posséder un smartphone, écrit ses poèmes avec stylo et carnet et ne conduit même pas de bus articulé.
Jarmusch célèbre la vie-palimpseste, le plaisir de faire plutôt que d'avoir fait, entre contemplation et décontraction. Le gag à répétition de la boite aux lettres semble sorti d'un film de Tati. Il faut aussi placer l'héritage du film de ce coté-ci du cinéma du détail ancré dans un quotidien intemporel.
Paterson promet à Laura de photocopier son carnet de poésie dès le week-end. Mais tout passe, tout casse, tout lasse, tout s'efface. Paterson réussit la combinatoire du piano et du fortissimo. Il est de ces films dont on sait qu'ils nous accompagneront longtemps.

Fx_Thuaud
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le 23 déc. 2016

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Fx_Thuaud

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