American Movie : un film sur des gens qui essaie de faire un film dans le but de financer un autre film. On est en plein cinéma méta qui se met en scène, en passant par les phases de pré-production et de post-production, de la réunion du bureau des potentiels producteurs jusqu'à la salle de montage — en l'occurrence quelques jours voire quelques heures avant la première dans un petit cinéma local. L'amateurisme à tous les étages est un puissant moteur comique et confère au film un capital sympathie assez phénoménal.
L'histoire de Mark Bochardt, un ouvrier dans une banlieue du Wisconsin, et accessoirement cinéaste à ses heures perdues, qui rêve depuis tout petit de faire des films d'horreur. Ne parvenant pas à réunir l'argent nécessaire à la réalisation d'un long métrage, Northwestern, film qu'il souhaite entreprendre envers et contre tout (il se considère non pas comme un génie mais comme un artiste ayant droit à sa part de rêve américain), il se résout à déporter dans un premier temps ses ambitions vers la reprise d'un moyen métrage d'horreur à très petit budget baptisé Coven — qu'il s'applique à prononcer avec un 'o' long afin de ne pas faire penser à "oven", source de nombreuses altercations comiques parmi beaucoup d'autres.
C'est un portrait délicieux, une galerie de personnages parfaitement inadaptés aux tâches qu'ils sont censés assurer. Mark, à commencer par lui, est un gestionnaire catastrophique, partagé entre des phases oisives, excentriques et alcooliques, c'est une tornade insaisissable qu'on croirait sortie d'une fiction, et qui se débat avec des bouts de ficelles pour faire son film, aidé grandement par son oncle, un vieillard de 82 ans qui vit dans un mobile home alors qu'il a plusieurs centaines de milliers de dollars sur son compte. Mark essaie de le convaincre d'investir ("And you get your name on the credits as a producer, man!"), projette des milliers de VHS vendues pour rembourser les investisseurs ("Would you buy this movie for $14.95? — Yeah, hell yeah, man. — If I can find 3,000 people like you across this country, man, I'm in business."), c'est très drôle. Autant que sa conviction intime qu'il a un destin de grand cinéaste, ce qui alimente un enthousiasme délirant, en contraste total avec son pote Tom (qui visiblement est resté bien scotché après un fix de trop). La crise identitaire de l'apprenti réalisateur est à ce titre géniale, point focal d'un bordel sans nom pétri de bonnes intentions. Le cocktail à base d’incompétence notoire et d’ambition artistique bouillonnante est délicieux.
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