Documentaire totalement méta sur la création par Mark Borchardt du short d’horreur Coven, destiné à financer le long métrage Northwestern, œuvre qu’il rumine dans une oisiveté coupable depuis des années. Il s’agit donc d’un film sur un type qui fait un film pour pouvoir faire un autre film (et ce avec trois bouts de ficelle, un budget inexistant et des compétences plutôt vagues).
Mark se pose en personnage archétypal du gros nerd à coupe mulet, drivé par une vision limpide de son art et totalement intarissable à ce sujet. Or le bonhomme est fauché, en constante dissonance cognitive entre l’envie de se biturer et la conviction intime qu’il est destiné à accomplir de grandes choses (les « grandes choses » en question étant l’achèvement devenu obsessionnel de son film, à propos duquel il s’octroie bien volontiers des auto-speech motivationnels en face caméra), et son équipe a l’air stone tout le temps. Mais qu’importent les dettes, l’alcoolisme, l’incompréhension tacite de ses proches, Mark veut sa part du rêve américain, et il est animé d’un enthousiasme ultra communicatif pour son projet.
Déferlent alors, conséquemment à ce melting pot improbable, une cascade de punchlines dans des scènes qui n’auraient pas pu être plus parfaites si elles avaient été écrites. C’est un peu du Strip-tease, avec le côté crado/coupable en moins. Ou du Trailer park boys, mais en vrai, et en mieux aussi.
Et puis on se reconnait bizarrement dans les gesticulations passionnées de ce personnage à la fois touchant par sa folie des grandeurs, et inspirant par le pragmatisme dont il fait preuve dans sa détermination. Il est l’incarnation vivante de l’expression « c’est l’intention qui compte ». C’est d’ailleurs là que le documentaire prend tout son sens : il illustre la crise identitaire de Mark, les tâtonnements et l’entêtement à toute épreuve de ce créateur en carton, en se concentrant davantage sur le cheminement du projet que sur l’aboutissement (ou la qualité) de ce dernier.