En seulement 1h40 de film, il parait difficile de rendre pleinement justice au chef-d’œuvre de Bret Easton Ellis. De l’aveu même de sa réalisatrice, l’adaptation cinématographique d’American Psycho sortie en 2000 est un échec partiel, qui n’est pas parvenu à retranscrire toute l’ambivalence de fin de film

Cela n’empêche bien entendu pas le film d’être jubilatoire au possible, tout particulièrement en ce qui concerne la prestation psychotique de Christian Bale dans le rôle de Patrick Bateman. On pourrait aussi citer Jared Leto, Willem Defoe, Chloe Sevigny ou encore Justin Theroux, afin de compléter cette affiche tout bonnement géniale. Si le film met superbement en exergue l’ascension morbide de son anti-héros, piégé par une société ultra-matérialiste, corrompue jusque dans ses mœurs, et à l’austérité clinique, la fin est une chute qui continue de faire débat. L’éternelle question subsiste : Bateman a-t-il bel et bien commis ces meurtres (dont celui de Paul Allen), ou était-ce un fantasme malsain depuis le début ? Si le roman se décharge du poids de la transparence, en livrant une explication qui reste volontairement dans le vague, le film offre une approche bien plus terre-à-terre. Les différentes preuves semblent accablantes. Que ce soit l’hallucination de la machine ATM qui lui dicte de lui filer un chat errant « Feed Me A Stray Cat », l’explosion improbable de la voiture de police, son alibi fourni par l’enquêteur à la recherche de Paul Allen, les révélations sur le fait que ce dernier soit encore vivant, tout porte à croire que le film est en réalité le simple reflet des fantasmes psychotiques de son héros. Or, d’après la réalisatrice Mary Harron, ce n’est pas le cas : « Là où c’est un échec de ma part, c’est que les gens continuent de sortir du film en disant que c’était un rêve, et je n’ai jamais voulu ça. Je voulais simplement être ambigu, comme le livre l’était […] J’aurai dû faire une fin plus ouverte. On dirait que tout s’est passé dans sa tête, mais en ce qui me concerne, ce n’est pas le cas ». C’est justement tout le génie du roman. Le flou, l’incertitude, l’impossibilité de tirer le vrai du faux. Les faits purs et durs, et le fantasme funeste. Les bonus du film expliquent cette ambivalence : « On doit comprendre qu’il tue vraiment tous ces gens. Il n’est juste probablement pas aussi bien habillé, les prostituées ne sont pas aussi jolies, et tout ne se passe pas aussi facilement ». Dans le fond, le fait qu’il soit un véritable tueur importe peu. Le monologue final rend parfaitement justice à l’une des facettes les plus importantes du roman. À savoir l’indifférence totale de ses pairs suite à ses aveux accablants, et l’ironie cynique et égoïste qu’elle implique : « This confession has meant nothing ».

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le 6 oct. 2020

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