Le duo Eastwood/Cooper vise en plein coeur.
Après de francs succès comme Mystic River, Million Dollar Baby ou Gran Torino (pour ne citer qu’eux) et quelques mois à peine après le bondissant Jersey Boys , Eastwood s’attaque à la guerre d’Irak avec American Sniper.
Déjà meilleur succès commercial du réalisateur en Amérique, American Sniper est avant tout un marketing bien rôdé commençant par une bande-annonce laissant le spectateur en haleine. Nominé plusieurs fois aux Oscars, notamment en tant que Meilleur Film et Meilleur Scénario, il n'en fallait pas plus pour impatienter le public international. Ajouté à ceci une pincée de polémique et on comprend vite pourquoi le film fait salle comble. Ce biopic raconte la vie de Chris Kyle, l'un des meilleurs tireurs d'élite de l'histoire, qui a tué au moins 160 personnes lors de son déploiement en Irak. Le film alterne les scènes de guerre et les repos aux Etats-Unis où santé mentale et vie sociale se dégradent au fil du temps. Le spectateur est à l'intérieur de l'horreur des combats : à plusieurs reprises, on emprunte le point de vue du sniper pour frissonner, viser et tirer avec lui. L'action prend par les tripes allant des fois jusqu'à l'oppression, on frôle la crise de nerfs en même temps que Chris Kyle. On se sent souvent mal à l'aise face à des scènes de barbaries inimaginables (le bruit de la perceuse ne peut que faire écho dans mes oreilles) et on aimerait naïvement croire que la réalité de la guerre est moins pire que celle dépeinte par Eastwood.
Il fallait un acteur de fort gabarit, pour incarner le méticuleux sniper. Bradley Cooper, l'homme à tout faire, passant de Very Bad Trip à The Place Beyond The Pines ou Limitless, fait mouche. Après avoir pris 20 kilos de muscles et presque autant de barbe, l'acteur qui ne pensait pas lui-même pouvoir endosser ce rôle, s'illustre en Chris Kyle. Fini le cliché du blagueur lui collant à la peau, définitivement les rôles sombres subliment à merveille son talent. Homme d'actions et de décisions, Cooper excelle en parfait marine et en mari torturé par ses traumatismes cachés. (Notons que l'actrice jouant sa femme n'est autre que Sienna Miller, méconnaissable en brune.) On ressent là, la difficulté d'assumer son statut d'héros national et sa culpabilité rongeante qui le rend psychologiquement défaillant. Clint Eastwood lui a offert un rôle taillé pour lui, l'enfant des comédies mûrit au fil des scènes comme son personnage. Si son interprétation est saluée par la critique, la réception du film ne connaît pas le même avis.
Eh oui ! Le bon vieux Clintie et son opinion conservatrice mélangé au sujet sensible voire tabou des coulisses de la guerre d'Irak, ça n'allait pas faire que des heureux ! Les enquiquineurs diront « Un film américain fait pour les américains par un américain » parce que c'est toujours plus simple de crier à la propagande américaine plutôt que d'assumer lorsque l'industrie hollywoodienne fait de bons films. Certains vont même jusqu'à critiquer de faire un biopic sur un homme aussi controversé, un homme qui faisait simplement son métier d'une dureté peu et mal connue. Toutefois, il est vrai que le chauvinisme des américains les rattrapent avec un générique de fin surprenant : les images d'archives d'un peuple entier rendant hommage à « La légende » des snipers, qui finira assassiné alors qu'il reprenait une vie normale.
Pour conclure, une anecdote bien particulière. Fin 2013, Chris Kyle évoque les choix d'acteurs qui lui conviendrait pour l'incarner: « Bradley Cooper ? Pourquoi pas. Il pourrait faire l'affaire ». Pas très convaincu. Si Chris Kyle savait qu'American Sniper avait eu les Oscars dans son viseur … !