Dans la vie, il y a trois sortes de film : les chefs-d'oeuvre avant-gardistes, les films moyens qui font vivre l'industrie du cinéma, et les bouses intersidérales. Eh bien outre le fait que cette trichotomie a autant de sens que la classification des êtres humains proposée par le père de notre héros texan au début du film (c'est un texan en même temps, s'il fallait leur demandre de réfléchir), je dois dire que ce film est très très moyen.
J'avais peur d'avoir droit à un truc bien balourd, sur "regardez comme ils sont beaux nos militaires, comme ils sacrifient leur vie pour la grandeur de notre nation". C'est un peu le cas parfois, mais c"est pas trop mal contre-balancé par la mise en scène assez réussie de la névrose du héros. Je ne sais pas si c'est vraiment voulu, mais en attendant ça ne m'a pas trop fait saigné le cerveau. En termes de mise en scène d'ailleurs, c'est à peu près la seule chose qu'il y a à sauver.
En même temps, chercher des audaces de mise en scène chez Eastwood, c'est comme demander à un aveugle de faire le changement ligne 7-RER A sans son chien un vendredi à 17h à Châtelet. Eastwood a des codes bien classiques, on les prend, on les applique, point barre. Faudrait pas risquer de faire bouger la caméra quand un plan de coupe fait l'affaire.
Pourquoi, me diriez-voius, suis-je si sévère avec un film qui, au fond, se regarde assez bien. Tout simplement parce que Clint Eastwood a un assez beau sujet cinématographique : un biopic sur une légende du tir longue distance de l'armée américaine. Sauf que le mec n'en fait pas grand chose.
Amercian Sniper se place, dans son sujet, à la croisée des chemins entre le Démineur de Bigelow pour le côté "crac de la guerre en Irak qui supporte mal le retour à la maison", et le Stalingrad d'Annaud pour le duel entre "le génial et gentil sniper, et le un peu moins génial et très méchant sniper du camp d'en face".
La comparaison s'arrête là. Bigelow avait élevé son Démineur à un niveau de mise en scène qui vous retournait l'estomac à chaque fois que le Sergent William James mettait les mains dans le cambouis. Quant à Annaud, son film très imparfait avait au moins le mérite de proposer une vraie dimension épique dont celui d'Eastwood est totalement dépourvu.
D'où l'équation suivante : Amercian Sniper = Démineur - (traitement des personnages + suspense) + Stalingrad - (URSS + duel qui fracasse tout).