Zombillénium
6.6
Zombillénium

Long-métrage d'animation de Arthur de Pins et Alexis Ducord (2017)

Bon. Un film d’animation, étiqueté «pour enfants», avec des vampires et des zombies, rien de bien émoustillant. Mais quand on se rend rapidement compte que sa principale source d’inspiration est le Metropolis de Fritz Lang, on arrête de mâcher bruyamment son pop corn, et on ouvre grand les yeux.


Avec le long-métrage Zombillénium, le français Arthur de Pins réalise son rêve - somme toute très classique pour un dessinateur -, de porter à l’écran la bande dessinée éponyme, dont il a la paternité. Hector, inspecteur des normes aigri s’en va un beau matin inspecter à l’improviste Zombillénium. Ce parc est géré par un vampire a érigé la peur en prestation de service. Au même titre que les princesses à Disneyland. Ainsi se côtoient zombies, loups-garous et tout un tas de monstres dont le potentiel gaguesque est superbement exploité. Hector découvre la terrible organisation du parc d’attraction: Zombillénium est coupé en deux : les monstres stars à la surface, et ceux coincés au sous-terrain, condamnés à faire fonctionner le parc comme des esclaves au fond de la cale d’une galère.


Pour préserver ce secret, le vampire-PDG s’empresse de tuer Hector (on n’empargne pas les mômes ici). Ce dernier reste donc coincé dans le parc. Il devra alors prendre part à son plan de sauvetage, dont la piètre rentabilité économique agagce son propriétaire, qui n’est autre que le diable. Surtout, aux côtés de Gretchen, jeune stagiaire-sorcière du parc, il fera tout pour retrouver sa fille Lucie, laissée orpheline dans un affreux pensionnat.


Si la structure du parc est un hommage flagrant à l’œuvre du maître du cinéma impressionniste allemand, le film n’en finit pas de développer son point de vue marxiste. Du cynisme libéral («Il faut être à l’écoute du marché, les zombies c’est has been») au capitalisme paternaliste, tout y passe. La version instrumentale des «Corons» au moment où Hector descend dans les entrailles du parc sonne le glas d’un système objectivement dépassé. La musique rappelle aussi ici que Zombillenium n’est pas qu’un film de monstres : il est aussi la chronique des errances d’un bourg rural en crise.


Et ce n’est pas sa seule façon d’émailler le conformisme imposé à la société. Quand la petite Lucie demande à son institutrice pourquoi on peut croire au Père Noël et pas aux zombies, c’est tout le conditionnement de l’imaginaire enfantin qui en prend un coup. Arthur de Pins tord à chaque plan le cou des idées reçues des grands classiques de la pop culture : «Thriller» de Mickael Jackson devenu ringard, Twillight moqué avec ses jeunes vampires ténébreux, incarnations aseptisées du cool.


On l’aura compris, Zombillénium fourmille de références, qui s’inscrivent parfaitement dans l’univers dépeint par ses auteurs. La narration se déplie tambours battant, soutenue par la bande originale composée par Eric Neveux. On en oubliera presque le scénario bien trop prévisible et les graphismes assez décevants, malgré des scènes d’action bluffantes. A chaque fois que la caméra s’arrête sur un point précis, tout est fin, intelligent, subtile. Mais la profondeur de champs et les plans larges manquent cruellement de richesse. Comme si le film n’avait pas retenu lui-même la leçon qu’il disepense : le diable est dans les détails.

Maurice_Midena
7
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le 20 oct. 2017

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Maurice Midena

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