Âmes en stock par Julie_D
Peut-on se permettre un petit reproche à l'encontre du cinéma indé alors que celui-ci connait un succès croissant et pas immérité ? Si oui, je lui ferai celui de se poser un rien trop sur ses acquis, de moins se donner de mal qu'avant... Comme si un bon postulat suffisait à attirer les bonnes grâces de la critique et du public et ne nécessitait donc plus un scénario poussé et abouti.
Indubitablement sympathique Cold Souls laisse pourtant la décevante impression que Sophie Barthes s'est contentée de son excellent concept de départ sans jamais chercher à l'exploiter à fond, à en tirer tout le potentiel comique, poétique ou métaphysique qui ne demandait qu'à en être extrait. Idée géniale mais film sans génie, un rendu d'autant plus frustrant qu'imaginer ce que Charlie Kauffman (et / ou Spike Jonze) aurait pu en tirer laisse vraiment rêveur. Car jamais le principe de mise en abime (Paul Giamatti jouant Paul Giamatti) n'a un réel sens ou intérêt (préférez (re)voir le fabuleux Adaptation) jamais les névroses du personnage ne sont utilisées (à l'origine, Barthes imaginait pourtant donner le rôle à Woody Allen) jamais le comique ne nait tant de l'écriture que de la simple énonciation à haute voix d'une situation absurde. La mise en scène demeure elle-même un peu plate et peine à retranscrire le caractère halluciné de l'histoire.
On reste perpétuellement donc en surface des choses - peu approprié pour explorer les tréfonds de l'âme- dans ce long métrage où la meilleure idée reste finalement le choix de Paul Giamatti, épatant de bout en bout malgré le matériel un peu faible. Autour de lui le reste de la distribution fait du très bon travail, mais le scénario est loin de tous les déservir de façon égale, notamment dans une seconde moitié vaguement thriller se concluant par une fin... inexistante ? (Dommage aussi de toujours peindre les rapports Russie / Amérique de la même façon.) La bonne humeur de la troupe se révélera cependant totalement communicative, et assure de 90 minutes parfaitement agréables, drôles et assurément peu communes, mais qui auraient pu être tellement plus qu'on risque d'en ressortir un peu sur sa faim.
Au final, on a là un film à qui son propre potentiel nuit tant il est difficile de ne pas voir derrière tout ce qu'il aurait pu donner. Sentiment sans doute un peu injuste puisqu'il n'a pas à rougir de ce qu'il est. Joli, tendre, intelligent, mais manquant ironiquement d'une âme lui-même, Cold Souls aura du mal à marquer celles des spectateurs, restant au stade du petit bonheur de cinéma. Mais de ces petits bonheurs qu'il serait trop dommage de bouder.