Âmes perdues par Alligator
Film au charme d'un vieux magicien malicieux, au bord du Rialto, comme au bord de l'étrange, à la lisière de deux mondes, entre baroque et bizarre, entre poésie et folie.
Plus que cette énigme qui nimbe toute l'histoire et l'évolution fantomatique des personnages, ce qui charme avant tout c'est l'extraordinaire présence des deux grands comédiens que sont Catherine Deneuve et Vittorio Gassman.
La première joue à contre-emploi des rôles habituels, de femme explosive et épanouie, hystérique et dynamique. Ici, elle est une hypocondriaque, en retenue, malmenée par son passé et son mari, et qui retient beaucoup. Les non-dits pèsent. Toutefois, elle laisse passer une juste dose de tendresse et de douceur. Un rôle délicat à interprêter et qu'elle maitrise parfaitement dans ses aspérités.
Vittorio Gassman lui, obtient un rôle démesuré, à son échelle, grandiose, où le grotesque est à portée de mimiques et dont il parvient à éviter avec maestria tous les pièges.
En toréador, il tore le rôle mastodonte que lui offrent Arpino (romancier) et Risi. Pendant la centaine de minutes que dure le film, on assiste à la lente montée des périls et on se délecte de le voir esquiver avec une classe, une élégance génialissime. Plus je découvre cet acteur, plus je prends des claques. En voilà une autre, une belle!
Grazie mille, signore
Un film sur le fil, prêt à tomber dans le ridicule, la lourdeur du pathos mal digéré et qui au final échappe à ces périls, avec une magie et une grâce incroyable. Très joli film.