" c'est beau la vie, la longue vie "
Je suis sortie de la salle en courant dès que le générique, sans musique, est apparu comme étouffée, confinée. Haneke avait encore frappé. Depuis "Le ruban blanc" je sors de ses films avec difficulté mais j'aime en même temps cet état qu'il réussit à créer. Il fait un cinéma du ressentit et avec l'aide d'immenses acteurs (quand même) il fait de son film un hymne à la vie tout de même, Anne ( Emmanuelle Riva) regarde des albums photos et le dit elle-même " c'est beau la vie, la longue vie". Elle comprend dès lors que sa vie est finie mais ne regrette en rien de l'avoir vécu. Et c'est Georges qui va redécouvrir cette vie, lui aussi, au cours des histoires qu'il raconte à sa femme. Comme dans la scène magnifique où il explique que le récit d'un film qui l'avait fait pleurer était encore plus fort émotionnellement à revivre qu'à voir.
Il redécouvre sa vie, seul. Inexorablement, il se bat chaque jour, les scènes sont de plus en plus dures (je me suis posée ma question du "trop" à un moment donné qui me semblait presque impudique d'où le 7 qui remplace le 9) mais les acteurs réussissent à jouer tout en retenu. Ce n'est plus de l'amour que prodigue Georges ce sont des soins, de la vie le besoin d'être là, il n'a pas le choix, la tendresse passée resurgit jusqu'à l’insupportable.
Le cinéma d'Haneke est toujours aussi clos: plans séquence en tension, silences ... Même dans les dialogues l'urgence se fait toujours sentir. Et il sait créer de toutes petites choses, comme sur une carte où l'on dessine des étoiles pour transcrire son mal-être à sa mère, Georges reste jusqu'au bout dans cet amour qui l'emporte inexorablement à régresser avec Anne, à repartir dans un monde de rêve où son écriture même lui échappe. Ces deux bourgeois, admirateurs de musique classique, réapprennent à se connaître, à s'aimer alors même qu’apparaît la défaillance de l'autre.
A ce niveau là, ce n'est plus bouleversant, c'est de l'art pur et dur qui tente de capter l'essence de nos vies, qui y va sans concession et travail sur la tension sans jamais ménager son spectateur alors même que le rythme parait lent, nous sommes tout du long pris, emportés, happés par les images qui nous montrent la vie, son combat, l'amour, sa douleur et la force des souvenirs de la vie heureuse, à l'image des mots de Trintignant à Cannes, cet accident de fin de vie fait que le couple se souvient, peut-être, de ces mots "essayons d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple".
Bref, j'ai été voir "Amour", mon dieu, je ne m'en remettrais jamais ! C'est énorme ce qu'il fait mais ça n'est pas regardable par tout le monde ... C'est écrasant de beauté et de douleur...