Une jeune femme bibliothécaire décide de prendre quelques jours de vacances, en s'offrant une croisière à la Havane. Une fois à bord du paquebot, elle ne tarde pas à tomber amoureuse d'un avocat, qui, souhaitant cacher son identité se présente sous le nom de Collins. Les deux amants partagent une idylle durant le voyage. A son retour au pays, Lulu Smith trouve un emploi de journaliste dans un grand quotidien. Elle continue de voir l'homme qu'elle appelle Collins alors que dans le même temps l'un de ses collègue la courtise. Lors d'une soirée ou elle retrouve son amant, celui-ci révèle son identité, lui avoue qu'il est marié et que sa compagne souffre d'infirmité. Il lui explique qu'il est rongé par la culpabilité au point d'être incapable de divorcer, étant donné qu'il conduisait le véhicule lorsque l'accident de sa femme est arrivé. Lulu Smith, qui pensait lui annoncer sa grossesse ce soir-là tombe des nues et décide de le mettre à la porte…
Contrairement à beaucoup de films de Capra, Forbidden n'est pas une fable morale, c'est une histoire d'amour, un mélodrame sans le moindre jugement. Le registre comique qu'il a su développer avec Mr Smith au Sénat, Vous ne l'emporterez pas avec vous ou encore L'extravagant Mr Deeds est ici bien plus rare, se contentant de faire de brèves apparitions au début de l'histoire. Qu'on ne s'y trompe pas, si le film peut apparaître tel une romance légère au début, il n'en reste pas moins que le spectateur se retrouve très rapidement emporté par la dureté du sujet traité ainsi que la difficulté des décisions auxquelles doivent faire face les deux amants. Ce film sortie en 1932 est donc assez éloigné de la façon dont Capra traitera ses sujets dans les années à venir. C'est d'ailleurs le seul film dont il a lui-même pris l'initiative d'écrire l'histoire, preuve de l'indépendance dont jouissait l'auteur alors qu'il n'était âgé que de 34ans.
Cette indépendance dans le traitement qu'il avait sur ses films, il va la perdre en 1934. En cause, la mise en vigueur d'un code de censure, le "Code Hays". Ce texte établit par le sénateur William Hays, alors président de la Motion Pictures Producers and Distributors association, régit la production de film. C'est une forme d'autocensure mise en place par les sociétés de production Américaine, afin d'éviter l'intervention de l'Etat fédéral dans le processus de censure. En effet, la création de ce code fait suite à plusieurs scandales qui ont entachés l'image d'Hollywood, dont l'affaire Roscoe Arbuckle. Ce code rédigé par deux ecclésiastiques va imposer aux réalisateurs de suivre une véritable charte morale sur tous les films Hollywoodiens entre 1934 et 1954. L'idée étant de ne pas porter atteinte aux valeurs morales des spectateurs. Quelques exemples nous montrent que les réalisateurs ne doivent pas amener le public à avoir de l'empathie pour un criminel et ce peu importe le méfait commit par ce dernier. Ils ne doivent pas non plus présenter un adultère explicitement, ni le justifié. Dans le même temps, les scènes de passions sont désormais proscrites.
Même s'il n'en parle pas beaucoup dans son autobiographie, il est certain que l'instauration de ce code va obliger Capra à faire évoluer son style dans la réalisation de ses futurs projets. La tonalité plus comique des films cités plus haut témoigne de ce changement de style.
Dans Forbidden, même si l'adultère est bien présent, Capra ne porte pas de regard moralisateur dessus, pour la simple et bonne raison qu'il respecte ses personnages, de part la difficulté des choix qu'ils ont à accomplir. Car au-delà de toutes les conventions sociales et morales qui peuvent existées à cette époque, c'est bien l'amour indéfectible entre Lulu Smith et Bob Grover qui domine tout au long de l'histoire. Et ce malgré les circonstances qui les obligent à se séparer.
Forbidden est probablement l'un des films les plus intimistes de Capra, car le spectateur est frappé durant tout le film par l'humanité qui anime les personnages. Barbara Stanwyck qui n'en est plus à son coup d'essai avec le réalisateur américano-italien livre ici une prestation exceptionnelle qui ne sera qu'un avant-goût de sa carrière. Quant à Adolphe Menjou, il remplit parfaitement son rôle d'avocat lâche - mais amoureux - qui refuse de quitter sa femme pour vivre avec sa maîtresse, par peur que sa carrière politique en soit entachée.