La naissance du "style" Capra
Longfellow Deeds est un gars tout simple qui vient d'un bled tout simple dans le Vermont, Mandrake Falls. Un gars sympa qui pour vivre écrit des poèmes sur des cartes postales. Un matin ordinaire, l'honnête Longfellow reçoit la visite d'une bande d'avocats peu ordinaires qui lui apprennent qu'il vient d'hériter de 20 millions de dollars, suite à la mort inattendue d'un oncle qu'il n'a presque pas connu. Il doit donc se rendre dans la foulée à New-York pour toucher cet héritage. Seulement, une fois sur place, il devient vite la cible de ces avocats véreux qui envisagent de récupérer sa fortune nouvelle, ainsi que des journalistes qui souhaitent en savoir d'avantage sur ce nouveau millionnaire…
Capra commence sa carrière de réalisateur en 1922. Il connaît ensuite la consécration en 1935, lorsque "New-York-Miami" ne reçoit pas moins de 5 trophées aux Oscars. Les 5 trophées considérés comme les plus importants de la cérémonie. Mais le style Capra, l'identité cinématographique du réalisateur ne voit réellement le jour qu'en 1936 avec l'arrivée de Mr Deeds goes to town.
Ce film permet à Capra d'aborder son nouveau concept, "un homme, un film". L'adage de l'homme simple et honnête qui tente de dénoncer un système dont il est victime était né. Le personnage de Longfellow Deeds qui vit sans trop d'idéaux intellectuels, essaye de faire les choses juste, de manière instinctive parce qu'il est un homme bon. Et si quelqu'un essaye de l'exploiter, il a assez de ressources en lui, de courage et d'intégrité pour faire face et rester lui-même. Les films qui suivront, tel que Mr Smith goes to Washington ou Meet John Doe garderont cette idée d'un personnage central simple et honnête, qui se bat pour rester celui qu'il est face à la corruption d'individus crapuleux dont la seule motivation s'exprime en dollars.
Mais ce concept d'"un homme, un film" perdrait tout son équilibre sans la présence d'un rôle principal féminin. Une femme qui serait un personnage fort, qui redonnerait confiance à l'homme qui perd espoir face à la manipulation de types mal intentionnés. Car si les films de Capra portent souvent sur le caractère, l'intégrité d'un seul homme, il n'en reste pas moins qu'ils proposent aux spectateurs une vision peu conventionnelle du couple moderne. Une vision qui prend le contrepied de l'image du couple romantique Hollywoodien, à cette époque. En effet, l'homme est souvent secret, rêveur et idéaliste alors que la femme est volontaire, d'une dureté presque cynique. De cette relation naît un amour qui rend chacun des 2 protagonistes vulnérables, et affirme le besoin d'une liaison harmonieuse pour transformer cette fragilité en force.
Des femmes telles que Jean Arthur ou Barbara Stanwyck se doivent d'assumer des rôles qui n'avaient jamais été expérimentés jusqu'à ce jour au cinéma. Des rôles de femmes qui se laissent charmer par des hommes honnêtes, au sentimentalisme affirmé, dont la confusion entre l'idéal politique et l'idéal humanitaire s'affiche clairement. Elles soutiennent ces hommes dans leur combat, "deviennent plus fortes qu'eux et les incitent à agir" dira Capra lors de l'un de ses interviews.
Mr Deeds goes to town est, le premier film de Capra dans lequel le personnage féminin oppose à l'idéalisme de l'homme la plénitude pratique et matérielle de celle qui a les pieds sur terre.