L’extravagant M. Deeds porte le sceau Franck Capra, celui du film engagé socialement. La collision entre l’honnêteté et la simplicité de l’homme face à la cupidité d’une société déshumanisée est le fil conducteur de ce film. Quelques années plus tard, Capra réalisera un film très proche tant au niveau du fond que de la forme, Mr. Smith au Sénat.


Longfellow Deeds vit paisiblement à Mandrake Falls, une petite ville du Vermont. A la mort de son oncle, Deeds se voit contraint de ranger son tuba et ses cartes postales sur lesquelles il écrit des poèmes pour partir à New-York afin d’y recevoir et de gérer son héritage de 50 millions de dollars. Il va malheureusement vite se rendre compte que tout cet argent implique de nouvelles responsabilités et va faire graviter autour de sa personne une nuée de pique-assiettes. Complétement déboussolé, Deeds va s’en remettre à une belle inconnue qui n’est autre que Louise Bennett, une journaliste qui relate chacun de ses faits et gestes dans la presse à scandale.


La conscience sociale est le thème fort du film. Par le biais de son héros Longfellow Deeds, Capra montre son ressenti sur l’état des membres de la société. La société artificielle et individualiste de New-York est comparée à l'univers simple et fraternel de Mandrake Falls jusqu’à présent épargné par les turpitudes du monde moderne. Les principes de Rousseau sont ancrés dans l’œuvre de Capra. L’homme est naturellement bon et c’est la société qui le pervertit. L’état de nature est celui
où l’homme est le plus heureux (le passage où le héros se balade en sous-vêtements en criant « back to nature ») selon le philosophe. L’extravagant M. Deeds lui donne raison.


Capra fait endosser à son héros un rôle de messie éveillant la conscience et faisant sortir le meilleur des hommes en dehors de quelques irréductibles, l’avocat John Cedar en tête, dont l’âme et le cœur semblent avoir été corrompus de façon irréversible. Deeds est, de plus, l’homme qui tend la main aux démunis et aux laissés-pour-compte, ces ouvriers et paysans victimes de la crise qui ravage le pays en cette année de 1936.


L’extravagant M. Deeds, c’est également un duo hors du commun. La pétillante Jean Arthur et l’intègre Gary Cooper interprètent ce couple que tout semble séparer de prime abord mais que leur profonde sensibilité va rapprocher.


Aborder avec beaucoup de finesse et de douceur, l’histoire américaine n’est pas ici mise en avant pour servir un vulgaire patriotisme exacerbé comme pourrait le faire un certain Clint Eastwood. Le passage où Deeds va visiter le tombeau du président Grant est empreint d’une douce et sincère reconnaissance envers un homme qui unifia le pays et son peuple après la guerre de Sécession.


Capra reçut l’Oscar du meilleur réalisateur pour ce film plein d’humour et de joie de vivre. Cette œuvre marque les débuts du réalisateur dans cette veine humaniste qui deviendra petit à petit sa marque de fabrique.

Vincent-Ruozzi
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top 50 des films en noir et blanc et Mon Top 30 des années 30

Créée

le 15 févr. 2017

Critique lue 1.1K fois

49 j'aime

9 commentaires

Vincent Ruozzi

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

49
9

D'autres avis sur L'Extravagant Mr Deeds

L'Extravagant Mr Deeds
Kalian
10

How does it feel to be one of the beautiful people?

Un grand dadais habitant un trou paumé du Vermont, amateur de tuba et grand romantique (il veut à tout prix sauver une demoiselle en détresse), hérite par le jeu du hasard d'un magot colossal de la...

le 13 nov. 2010

58 j'aime

18

L'Extravagant Mr Deeds
Vincent-Ruozzi
9

Monsieur Deeds dans la tourmente

L’extravagant M. Deeds porte le sceau Franck Capra, celui du film engagé socialement. La collision entre l’honnêteté et la simplicité de l’homme face à la cupidité d’une société déshumanisée est le...

le 15 févr. 2017

49 j'aime

9

L'Extravagant Mr Deeds
Hypérion
9

Critique de L'Extravagant Mr Deeds par Hypérion

C'est avec Mr. Deeds Goes to Town que je parviens enfin à comprendre ce qui me séduit autant chez Capra. Il m'aura fallu voir quatre films pour comprendre, mais ça y est, c'est saisi. Reste à le...

le 29 juin 2014

41 j'aime

4

Du même critique

Whiplash
Vincent-Ruozzi
10

«Je vous promets du sang, de la sueur et des larmes»

Whiplash est un grand film. Il est, selon moi, le meilleur de l’année 2014. Une excellente histoire alliant le cinéma et la musique. Celle-ci ne se résume pas à une bande son, mais prend ici la place...

le 20 janv. 2015

192 j'aime

11

Mad Max - Fury Road
Vincent-Ruozzi
9

Sur les routes de Valhalla

Je viens de vivre un grand moment. Je ne sais pas si c’est un grand moment de cinéma, mais ce fût intense. Mad Max: Fury Road m’en a mis plein la gueule. Deux heures d’explosions, de fusillades et de...

le 16 mai 2015

182 j'aime

21

The Irishman
Vincent-Ruozzi
8

Le crépuscule des Dieux

Lèvres pincées, cheveux gominés, yeux plissés et rieurs, main plongée dans sa veste et crispée sur la crosse d'un revolver, Robert De Niro est dans mon salon, prêt à en découdre une nouvelle fois. Il...

le 29 nov. 2019

153 j'aime

10