Il n’y a que le cinéma espagnol pour oser monter un tel film. On se souvient entre autre de l’insoutenable « Aftermath » de Nacho Cerda ou encore du splendide « Balada triste » de Alex de la Iglesia. « Amours cannibales » tient des deux. Tout d’abord de par son sujet glauque ou Carlos, tailleur de son état, dépèce aussi bien les vestes que les corps. Mais aussi par l’esthétisme très pointu que Cuenca apporte à son traitement. Car le film est prodigieusement beau avec ses cadrages étouffants, ses jeux de clair obscur et cette mise en scène proche de l’épure. Se plaçant au niveau du meurtrier, le monde extérieur semble constamment être de l’autre côté... de l’autre côté d’une porte, de la rue, voire de la ville. En suivant Carlos, le spectateur se soumet à son ascétique mode de vie où tout n’est que frustre, calme et volupté perverse, où règne presque un silence aussi glacial qu’inquiétant, où chaque geste est toisé et calculé. Et c’est justement parce que Carlos apparaît comme un homme calme, renfermé, presque que séraphique qu’il n’en est que plus redoutable. Manuel Martin Cuenca nous donne ici une belle leçon de cinéma, en recréant, avec l’appui de l’acteur Antonio de la Torre (impressionnant), l’univers cérébral d’un psychopathe. Si le film souffre de quelques longueurs, il n’en retient pas moins pour autant toute notre attention au point d’en être fasciné. Compte-tenu du sujet, cela en devient inquiétant.