N’aurions-nous pas aimé que la chanteuse de jazz britannique ait écouté le conseil qu’elle avait donné à sa mère ? Malheureusement elle ne l’a pas fait et a perdu sa carrière et surtout sa vie en sombrant dans la drogue, l’alcool, une célébrité sans limite, mais aussi un père, un mari, un manager et toute une ménagerie de profiteurs dont les motivations étaient plus que louches. Il n’est pas étonnant que Nick, son père, ne cesse de clamer que le documentaire est faux en tout point tant on le voit sous un mauvais jour. Probablement le plus fautif d’entre tous, il aura usé du talent de sa fille pour toucher de l’argent sur une télé-réalité ou en la forçant à se produire alors qu’elle était au plus mal. Il est tout de même étonnant de voir la confiance qu’elle lui accordait alors qu’il était à l’origine de la plupart de ses maux pour avoir quitté sa famille après avoir trompé la mère d’Amy pendant 8 ans.
Le documentaire Amy est sans concession. Aucun de ceux qui portent la responsabilité directe ou indirecte du décès de la jeune chanteuse ne sont passés sous silence, à commencer par Amy Winehouse elle-même. Jeune fille à la personnalité addictive, elle se laisse balader par tous les profiteurs, un peu par naïveté (bien que ses vrais amis l’aient mise en garde à plusieurs reprises), mais surtout par goût de l’interdit. La force du documentaire, cependant, est de ne pas accuser directement qui que ce soit, mais plutôt d’exposer la version des faits de chacun et de nous laisser comprendre par nous-mêmes les torts des uns et des autres.
La première partie du film est un catalogue de ses glorieux débuts, entre sa jeunesse auprès de sa famille et ses amis et ses premiers pas dans l’univers du jazz. On ne fait même pas attention à son look aguicheur (quoi qu’en Angleterre c’est passe-partout) ou son langage fleuri (quoi qu’à Camden c’est la norme) tant sa voix et son talent nous sautent à la figure. Nul besoin d’être un expert en jazz pour comprendre qu’on assiste à quelque chose d’exceptionnel.
Et puis, le documentaire nous montrera la chute d’Amy. Véritable descente aux enfers dont elle s’échappera le temps d’une désintox et d’un duo avec Tony Bennett, on se rend compte à quel point son quotidien était devenu difficile. Alors qu’elle semblait retomber sur ses pieds, elle est fauchée en plein vol à l’âge de 27 ans ce qui lui permet, bien malgré elle, d’entrer dans la légende de la musique.
Bien que captivant, le documentaire d’Asif Kapadia reste imparfait. Il est dommage qu’après la sortie de Back to Black il ne se concentre plus que sur les frasques de la chanteuse et les rebondissements dans sa vie privée en oubliant totalement la musique. C’est ce que le public veut voir, certes, mais ce n’est pas rendre justice à Amy Winehouse et sa carrière. Amy, le documentaire, est toutefois extrêmement instructif et il est à conseiller à tous, fans de la jazzwoman ou non.