Après avoir filmé Jean-Pierre Léaud dans un « western alpin » Moullet se filme lui-même dans un film de chambre quasi bergmanien, à la différence majeure qu’ici il est surtout question de sexe, de la place du sexe dans un couple, en période de libération sexuelle. C’est un peu Scènes de la sexualité conjugale, en gros. Même si c’est à deux autres films auxquels on songe en priorité, avant Bergman : La maman et la putain, de Jean Eustache, sorti deux ans plus tôt. Et Annie Hall. En effet, un an avant Diane Keaton et Woody Allen, Moullet et sa femme, Antonietta Pizzorno, mettent à nu leur histoire ou du moins ce qui ressemble à leur histoire, d’autant que l’auteur sans cesse se moque de son travail de cinéaste, de ses névroses, évoque ses précédents films, place de véritables anecdotes – dont celle d’un chèque important que les ordinateurs d’une banque lui destinèrent maladroitement (ce qui lui permet de tourner ce film, impossible de savoir si tout ceci est vrai ou non) avant de lui réclamer.
Un couple d’intellectuels, plongé en plein crise libidinale, digresse autour des rapports intimes, la place du sexe dans leur vie de couple, la frustration qui s’accumule, d’un côté comme de l’autre, compare la place du sexe dans la société d’aujourd’hui avec celle d’avant. Moullet ne craint pas de se mettre à nu. Si son film sortira en salle accompagné d’une interdiction aux mineurs c’est en parti pour ça. Sa femme, elle, préfère se retirer et laisser place à Marie-Christine Questerbert, qui jouait déjà dans Une aventure de Billy le kid. Le film se clôt d’ailleurs malicieusement sur un dialogue entre les trois, au sujet du film et notamment de sa scène finale sur laquelle ils ne parviennent pas à se rejoindre – Fin qui ressemble beaucoup à celle qui fermera La terre de la folie, trente ans plus tard. Moullet campe donc ce personnage aussi irrésistible qu’odieux, convaincu d’avoir la malchance d’être arrivé pile quand les « rapports normaux » ont été bousculés par le désir des femmes de ne plus être considérés comme des objets. Si Moullet est clairement un acteur tardif de la Nouvelle Vague, il en est son représentant burlesque le plus fidèle. L’équilibre ici, qui en fait un film plus fort, plus fou mais surtout plus pertinent, plus féministe que tout ce que Moullet a fait jusqu’alors c’est la présence de sa compagne à la coréalisation qui lui apporte. C’est absolument génial.