La réalisatrice décortique une relation conjugale de manière assez étonnante à travers le procès de l'épouse après la chute fatale du mari. (...) un puzzle émotionnel tissé avec une énorme originalité" J’ai toujours eu un faible pour les films à procès et celui-ci ne risque pas de faire exception. Grâce à une succession d'interrogatoires et de dépositions exceptionnellement bien écrites, ses deux heures et demie d'images défilent littéralement.

Mais ici le procès sert aussi de prétexte narratif pour une enquête sur la relation entre le couple d'écrivains : leurs peurs, leurs frustrations et leurs conflits. Les ressentiments, les marques du passé qui n'ont pas pu être éliminées, les blessures ouvertes sans suture, les fissures non comblées, tout cela se matérialise finalement dans le tribunal, à travers une structure quasi théâtrale qui n'est pas sans rappeler d'autres des drames judiciaires dans le style de « 12 hommes en colère »

Justine Triet met en scène avec beaucoup de maîtrise, créant une atmosphère de tension et de mystère. Sa mise en scène est précise et captivante, guidant l'histoire et les performances avec un sens aigu du rythme et du détail. Autre point fort, le montage, avec un traitement notable de l'insertion d'ellipses, généralement nécessaires, et qui aident à mieux comprendre l'histoire.

Ainsi, face à une situation extrêmement ambiguë et étrange, c'est le « fantasme » qui vient à la rescousse, qui joue un rôle fondamental en suturant les trous profonds d'une situation jusqu'à un certain point incompréhensible. À un moment donné, le spectateur ressent comment « Triet » dissout filmiquement le fossé qui sépare la réalité de la fiction littéraire : les œuvres de Sandra sont-elles vraiment strictement fictionnelles ? Ou est-ce que, d'un point de vue lacanien, la vérité (sa vérité) a la structure d'une fiction ? Les allusions constantes aux textes de l'écrivain au cours du procès doivent être comprises comme des tentatives juridiques visant à déterminer une circonstance à partir de laquelle seules des conjectures peuvent être tirées.

Justine Triet propose ainsi une orfèvrerie élaborée, voire explosive, faite d’ambiguïté suggestive, de mystère, voir de perversion, rehaussé par le travail parfait de « Sandra Hüller », de Swann Arnaud" et d'«Antoine Reinartz », qui fait office de procureur.

Un film élégant, sarcastique, au rythme lent qui décortique tous les « et si » pour tenter de clarifier une vérité qui ne sera jamais complètement claire.

HenriMesquidaJr
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le 21 juil. 2024

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HENRI MESQUIDA

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