Andreï Roublev par Galderon
Selon Tarkovski, un film sert à prolonger « l'expérience humaine » du public, qui entretient donc un rapport actif avec le film qu'il visionne : « le public est davantage un témoin qu'un spectateur ».
Ainsi, plus qu'elle ne décrit un épisode particulier de l'histoire de Russie, son œuvre "Andrei Roublev" nous fait découvrir le douloureux et mystique destin d'hommes qui s'abandonnent entièrement dans un dévouement qui les dépasse – que ce soit celui de la peinture puis de l'autodestruction pour Roublev, ou celui de la fonte des cloches pour le jeune Boriska. Si la douleur et les affres rencontrés passent beaucoup par le déroulement de l'histoire et l'interprétation des comédiens, le travail extraordinaire de la dilatation du temps détourne le regard de ce qui est vu en surface : à travers la misère, c'est l'accessibilité à un état de grâce qui nous est donné d'apercevoir. Que cela passe par des plans en plongée totale qui magnifient plus qu'ils n'écrasent le labeur des hommes, ou par le temps que nous offre Tarkovski pour contempler les doutes qui assaillent les protagonistes.