Un des rares films dans l'histoire du cinéma qui ne souffre pas de la comparaison avec la peinture ou qui se sort grandi d'une biographie d'un (autre) artiste.
Plus encore qu'une biographie et qu'une reconstitution historique du contexte qui a rendu l'œuvre possible, Tarkovsky et son scénariste ont organisé une forme en tresse avec Roublev s'enroulant sur une trame d'événements propres à caractériser l'esprit du temps, ses traumatismes, ses représentations mentales, son organisation sociale, ses espoirs et où le personnage de Roublev peut être laissé à distance mais où se travaillent son œuvre et son regard, fût-il absent des scènes, et le nôtre le remplaçant dans une projection et une fusion peu communes avec le peintre et sa sensibilité.
Plus que cette précision factuelle, la vision de l'histoire choisit ouvertement cette précision poétique qui est la seule capable de nous introduire à ses vérités. Le lyrisme de Tarkovski s'y développe avec un bonheur sans pareil dès la séquence d'ouverture qui donne en quelques minutes le point de vue à l'œuvre dans le film: les aspirations d'un peuple cloué au sol par une religion empesée.
Une œuvre inspirée comme rarement du début à la fin. La fin ferme le film en apothéose et s'inscrit à merveille dans cette mise à l'écart provisoire de Roublev par les scénaristes à certains moments du film, apothéose du travail du silence qui prend forme et couleurs en un feu brûlant de spiritualité.
[de mémoire]