Avec Animale, Emma Benestan sculpte un récit où l’émancipation féminine se mêle à une métamorphose intérieure et physique, dans un univers empreint de traditions et de violences masculines.
Nejma, héroïne lumineuse et farouche, s’entraîne au sein des manades camarguaises, un bastion masculin où la tauromachie est l'occupation principale. À travers cette lutte pour trouver sa place dans un monde d’hommes, le film déploie une métaphore puissante : le taureau, symbole de force brute et d’oppression, devient l’adversaire que Nejma doit apprivoiser pour affirmer son identité.
Emma Benestan choisit une esthétique sensorielle et immersive, mêlant réalisme et fantastique pour brouiller les frontières entre allégorie et tangible. Les métamorphoses de Nejma, littérales et psychologiques, évoquent une féminité qui défie et renverse les structures oppressives. Le montage, vibrant, épouse les battements du cœur de son héroïne, reflétant une progression psychologique où l’affirmation éclatante de soi cède peu à peu sa place à une quête vangeresse.
Le travail sonore, lui, magnifie cette lutte intérieure : les mugissements des taureaux, le souffle et les pas se fondent en une ambiance oppressante. Ces éléments sonores, mêlés à une bande originale minimaliste, instaurent une tension continue.
Là où Animale échoue, c’est dans sa quête de vengeance, qui semble désignée comme le chemin évident vers la libération. Le film sous-entend que la résolution des maux de Nejma réside dans un acte cathartique, mais c’est ailleurs que la délivrance s’opère : dans la parole, dans la confession. Selon moi, elle porte en elle une vérité plus bouleversante et réparatrice que les élans de revanche qu’on lui prête.
Ainsi, le film trouve sa force dans l’intime, dans les regards et les silences, mais s’essouffle dès qu’il s’aventure sur le terrain de la vengeance, comme si cet affrontement-là ne lui appartenait pas tout à fait.