Que cherche à nous dire Sofia Alaoui dans ce film dense et bavard où pourtant rien d’advient ?
Remettre en question l’ordre étriqué de la bourgeoise marocaine (milieu dépeint d’ailleurs avec le plus de justesse dans le film) ? Absolument pas, les événements surnaturels effleurent sans trop écorcher les certitudes de cet environnement dénoncé tout au plus comme superficiel. On est très loin du coup de pied dans la fourmilière au potentiel jouissif que le surnaturel aurait pu porter. Par ailleurs, l’usage excessif de la langue française pour souligner la fracture sociale des personnages a un aspect forcé qui laisse un goût de gêne, peut être dû à la contrainte d’une production française et des subventions qui en conditionnent la langue ?
Chercherait-t-elle donc à exalter un héritage animiste ancestrale des cultures amazighes ? La population est surtout dépeinte comme hostile et mutique, réduite à des actes grégaires d’adoration dans l’entre soi masculin ou dans la misère silencieuse d’une famille de paysans. Nous avons surtout droit à quelques dialogues, mal écrits et mal joués, d’une grande platitude où l’on fustige de manière très prévisible la croyance religieuse.
On se demande donc à qui s’adresse ce film ? A un public occidental à qui on ressasse ces formules désormais attendues de trajectoires d’émancipation face aux oppressions ? A un public marocain, que la réalisatrice infantilise en « l’éduquant » à la remise en question et à l’ouverture d’esprit ? Tout dans le film témoigne d’une démarche normative et en surplomb. Une démarche au mieux maladroite en réalité sûrement hors-sol qui témoigne d’une profonde méconnaissance des réalités des populations amazigh qu’elle met en scène. A défaut de porter un regard bienveillant, délicat et précis sur ces réalités, la réalisatrice parachute des lieux communs sur la croyance qui au fond témoignent plus du choix d’un cadre « exotique » ou « original » afin de dérouler son histoire.
Pourtant le film avait quelques intuitions à potentiel et aurait beaucoup eu à gagner en laissant plus de place aux sensations et ressentis notamment en développant l’idée de contemplation face à ce qui nous dépasse et ce que l’on ne comprend pas ou celle de la capacité des animaux à se saisir du surnaturel. Idées rapidement noyées dans un manque de rigueur quant aux pistes suggérées et d’une narration bavarde et donneuse de leçon.
Animalia est en somme à l’opposé d’un cinéma marocain qui pose un regard sincère sur son pays. Il est temps de cesser de juger nos agissements, de nous dicter ce que l’on doit croire et de cesser de prendre nos cadres de vie et nos trajectoires pour un vivier « original » de mise en scène. Il est fondamental de plonger avec respect et justesse dans nos spécificités, tout en ouvrant un champ de possibilités autres : l’arrivée des extra-terrestres pourquoi pas ? Un marocain les observera sûrement avec un regard plus occulte et décalé que la gravité normative que le film suggère.