Quel mensonge.

Le projet affiché par le collectif semble être un projet naturaliste. Sauf qu'il n'en n'a ni le contenu ni mêmes les intentions. Tout l'intérêt de filmer des morceaux de vie en lambeaux, jamais achevés, c'est de saisir le réel par hasard, sans prévenir, alors qu'il est encore vierge de toute manipulation. C'est ce que s'efforce de faire le film pendant toute sa durée (sans jamais vraiment y parvenir d'ailleurs). Mais alors dans ce cas, pourquoi l'achever avec ce rassemblement sur fond de chorale préméditée ? Regardez, tout ça n'était qu'un grand spectacle organisé. On vous a bien eu, voilà, clap de fin, tombé de rideaux.

On peut pardonner à un film qui s'efforce de saisir le réel à la volée de s'exposer à des moments de creux, des faiblesses narratives voire des incohérences. Le quotidien n'est pas toujours cohérent et rationalisable. En ce sens, le moment ou la caméra suit les deux jeunes filles après un vol de maquillage est probablement le moment le plus riche du film et le plus proche de ce qu'il prétend être : la saisie de la vie sans fioriture. Les dialogues sont écris certainement, mais l'innocence des enfants ou leurs tentatives d'improvisation rendent à la scène toute sa spontanéité. Au contraire, la prestation de Noemie Schmidt, par exemple, est trop lisse, sans accro et ne fait jamais "prise sur le vif".

Il y a une contradiction dans le fait de s'engager dans la réalisation d'un film en plan séquence dans les rues d'une ville, au hasard des rencontres, et la fluidité des mouvements et des rencontres proposées (jusque dans cette affreuse retrouvaille finale).

Sinon, pour un film qui souhaite s'emparer d'une société post-covid "renaissante", en être le porte parole, les problématiques et enjeux abordés sont un peu faibles (c'est un euphémisme). J'ai été surpris de voir que le social est finalement le grand absent du projet. Ce qu'on voit à l'écran n'est jamais rien d'autre qu'une juxtaposition d'histoires individuelles avec l'exposition des petits problèmes d'individus libres et déconnectés de leur environnement (des problèmes de conscience essentiellement). Rien sur la pauvreté, le chômage, l'isolement, la dépression, l'écart intergenerationel. Que pense nos aînées, ceux qu'on a traité en grands fragiles pendants 2 années ? (on ne voit rien d'autre que des acteurs entre la quinzaine et la trentaine, ce qui est finalement assez révélateur de l'hermétisme du projet, cantonné à une bande de jeunes). Finalement très peu sur le social tout court. Le choix même de saisir des personnages en mouvement empêche tout ancrage dans un milieu (excepté le récit à Belleville, largement fantasmé toutefois)

C'est pourquoi le film reste un film de jeunes bourgeois qui traite de problèmes de jeunes bourgeois, de façon bourgeoise (c'est à dire libérale). Aucun des personnages ne fait face à des contraintes structurelles qui l'assigne à une place, à la restriction absolue. Au contraire, il suffit de proposer sa démission pour pouvoir profiter librement des 50 étés à venir. Il semble que les problèmes de chacun puisse être réglé avec quelque séances chez un psy (une grande mode).

Pour finir très peu à dire sur la réalisation. Elle est absente. Le film pour combler ce manque parle beaucoup. Tout se dit, c'est un drame pour le cinéma. Tout passe par la démonstration en action. Le couple lesbien n'est un couple à l'écran qu'après s'être embrassé. Rien pour nous le suggérer avant.

MrRavioly
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le 1 mai 2022

Modifiée

le 1 mai 2022

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