A peine débuté, le Festival de Cannes 2021 nous envoie déjà sa première grosse cartouche. Ce coup venu de nulle part, est l’œuvre de Leos Carax, réalisateur controversé, mais un génie d'un autre temps.
Annette c'est cette tragédie musicale qui détonne dès son introduction et qui met le spectateur en condition, littéralement. Subversif, malin et drôle, ce premier « mouvement » musicale donne le la sur ce que sera, en partie, le nouvel ovni d'un réalisateur original qui ne cesse d'étonner le spectateur tout le long de sa courte filmographie.
L’œuvre surprend, excite et son tempo rentre dans la tête. A tous les niveaux artistiques, Annette impose un rythme presque parfait tout en gérant intelligemment les différentes émotions ressenties. Ainsi quand l'humour se mêle à la tragédie, nous ne sommes pas particulièrement choqués tant l'écriture y est millimétrée. Millimétrée, mais non sans la folie du metteur en scène qui ne cesse de nous proposer de nouvelles idées plus ou moins faciles à accepter.
Annette c'est aussi une prouesse technique. Toutes les chansons ont été enregistrées pendant le tournage. Ce que vous entendrez dans le film n'est pas de la syntonisation labiale. On remarque alors immédiatement la différence. Les personnages sont plus crédibles, plus réels, plus humains. La tragédie n'en est que plus intense et plus prégnante.
L'histoire tourne autour de trois personnages, sorte de triangle amoureux qui s'ignore. Adam Driver et Marion Cotillard y sont majestueux. Ils portent leurs personnages avec une conviction rare que même les dialogues chantés n'arrivent jamais à devenir gênants. C'est tout simplement beau ce que ce duo arrive à transmettre par leur voix et leur gestuelle. Simon Helberg n'est pas en reste, il en est même acteur d'un des plus virevoltants moments musicaux du long-métrage. Et que dire de cette fameuse Annette ? Rien, c'est le titre du film et ce n'est pas pour rien.
Esthétiquement, là aussi les belles trouvailles s’enchaînent, les moments de grâce décollent la rétine. Ce travail sur l'image est paradoxalement aussi explosif que subtil. Le travail sur les couleurs est remarquable, la mise en scène des situations et des personnages, homérique. Annette est une poésie de tous les instants, un conte tragique, une pièce dramatique, une œuvre rare, une œuvre d'art.
Il est certain que Annette aura son lot de détracteurs. Le film n'est pas sans petits défauts. On pourrait lui reprocher un trop plein de chansons, propre au genre mais qui pourrait en lasser plus d'un. De plus, malgré l'écriture et l'interprétation des comédiens, certains moments clés peuvent manquer d'émotions ou de sensations à propos. Une forme de disonnance regrettable avec l'intensité du reste. Cependant, il y a fort à parier qu'avec ses nombreux atouts Annette figure parmi les plus beaux films de l'année.
Le génie et le grain de folie de Carax, Les performances de Cotillard, Driver et Helberg et la mémorable bande originale de Sparks forment un tout inattendu, mais au combien grandiose.
Annette est une œuvre profonde, au sous-texte grinçant. Malgré sa dramaturgie profonde, Annette c'est une autre forme d'ivresse joyeuse, de celle qui ne nous quittera pas de sitôt.