N'ai-je pas le droit de t'aimer ?

"Non mais juste 6/10 ça va pas c'est une maitrise cinématographique mec" - Alors oui, effectivement, le film est une prouesse sur beaucoup de points.

Annette est clairement un long-métrage qui ne laisse pas indifférent. Le réalisateur Leos Carax offre une mise en scène spectaculaire jouant avec les codes du théâtre et de l'opéra dans un monde presque en permanence fantastique, tant les effets spéciaux parfois volontairement kitsch donnent au film une sensation étrange, comme si il sortait d'une autre planète. Les plans sont extrêmement bien maitrisés, donnant parfois lieu à des prouesses comme ce splendide travelling circulaire dans la scène du chef d'orchestre, ou la première apparition d'Annette qui chante, qui m'a transpercé. L'éclairage est sublime, entre ses clairs obscurs, ces effets de nuits offrant une intimité et un drame impeccable aux scènes, et ce vert quasi constant, couleur interdite au théâtre car elle a la réputation de porter malheur, comme pour prévenir les personnages du terrible drame qui va s'abattre sur eux. Bref, techniquement, le film est effectivement une claque esthétique.

Adam Driver livre l'une de ses meilleures performances, dans ce personnage torturé, ne sachant même pas rire, qui sombre dans les abysses. Cotillard est aussi très convaincante, et le peu de présence du personnage de Simon Helberg offre une chaleur et une tristesse profonde et très tragique.

Mais alors pourquoi 6/10 sacré vindiou ? Il est déjà assez difficile pour moi de rentrer dans une comédie musicale, et pour le coup c'est un ressenti propre à ma sensibilité cinématographique. Le style ne me parvient que très rarement à m'embarquer (seul Jacques Demy y est arrivé, et j'avais beaucoup aimé La La Land). Ensuite, je trouve qu'il y a beaucoup trop de chansons différentes. Il doit y en avoir une trentaine, qui ne dure jamais bien longtemps. Par conséquent, le tragique des musiques ne parvient jamais vraiment à me transcender, seules certaines, grâce au jeu des acteurs, m'a captivé, mais le reste m'a très souvent laissé de marbre.

Je le trouve aussi trop long, du coup avec toutes ces chansons, j'ai eu parfois l'impression de suivre une histoire un peu bordélique, qui ne savait pas trop comment faire avancer son intrigue. Finalement, sur les 2h20 du long-métrage et hormis une scène ou 2 très réussies, seule la séquence de fin m'aura touché en plein cœur. La conclusion est à la fois sublime et terriblement triste, offrant au spectateur une joie et un soulagement dans un très gros chagrin émotionnel, magnifiquement interprété par le personnage d'Adam Driver et Annette.

Mais j'en ressors avec beaucoup de souvenirs des faiblesses qu'à le film. Je pense que Leos Carax voulait raconter une histoire qui lui tenait énormément à cœur (la mère de sa fille est décédée en 2011) et il a par conséquent voulu traverser un paquet d'émotions, qui sont très souvent gâchés par la surproduction de musique, et le montage qui est parfois un peu foireux sur le rythme. Il s'agit tout de même d'une aventure unique, mais où je n'ai pas ressenti grand chose. La volonté de faire un film absolument exceptionnel se ressent tellement que je le trouve aussi parfois prétentieux dans certaines intentions de mise en scène, ça manque de subtilité.

Voilà pourquoi 6/10, mon vieux.