En droite lignée de ce que la majorité des spectateurs et critique pensent, Annette est un film qui divise et pour lequel mes sentiments sont très partagés. J'ai été vraiment émerveillée par l'inventivité du réalisateur, le nombre d'idées visuelles qu'il peut avoir en un seul film et toutes les audaces qu'il prend. Leos Carax est un réalisateur généreux, souvent à l’excès, et son film est une leçon de cinéma qui redéfinit certaines règles et limites. Que ce soit ce plan séquence d’introduction, qui brise allègrement le 4ème mur, frontière également mise à mal entre les spectateurs et les artistes comme ce dialogue chanté entre Henry et ses fans, le mélange du rock et de l’opéra, cette idée d’incarner littéralement l’enfant comme le jouet de ses parents…
Après ses idées ne fonctionnent pas toujours — surtout quand on cherche à mettre en avant le grotesque et l’absurde des situations, ou dénoncer le monde du spectacle et ses excès. J’ai trouvé de nombreuses scènes trop longues, au rythme inégal et au déroulé malaisant ou lourd. La performance viscérale en peignoir vert est à la fois magistrale et pénible dans sa longueur. Quant à Annette… je comprends le principe mais impossible de me concentrer face à elle, le stratagème était ridicule (volontairement j’imagine), ce qui n’aide pas à accrocher au film.
Là aussi cependant certaines exagérations sont compensées par une écriture de personnages fascinante. Si Anne et Simon sont assez oubliables, la noirceur complexe d’Henry nous intrigue. Le condamne-ton ou le dédouane-t-on ?
Comme Annette on ne peut répondre à la terrible question « Est-ce que tu m’aimes ? ».
Mais ce qui ne passe vraiment pas pour moi c’est les chansons parlées, ses textes sans grande valeur chantonnés à mi-voix, faiblards et embarrassants(« faiiiiiis attention aux maaaaaaarches »…). C’est d’autant plus pénible que lorsque le film se donne l’effort et que les acteurs chantent véritablement, les numéros peuvent être très beaux, comme celui du tribunal ou de la prison. Mais cette litanie insipide permanente m’a endormie.
Annette c’est donc un paradoxe, car si j’ai trouvé le film très enrichissant d’un point de vue cinématographique, tenir jusqu’au bout du film s’est avéré laborieux. Mais c'est visiblement la marque de fabrique de Leos Carax, et ce paradoxe donne envie de voir ses autres films, ce qui est plutôt bon signe.