C’était un des événements du dernier festival de Cannes. Et pour cause, Carax est rare et Holy Motors est sorti il y a 9 ans. En ce qui me concerne, peu importe car je n’ai jamais rien vu de sa filmographie, à tort probablement. Ainsi donc, c’est une comédie musicale. C’est risqué, autant pour le concepteur que pour le spectateur et il faut dire que je ne suis pas fan du genre. L’histoire se concentre sur deux personnages. Henry est un bad boy star du stand-up à l’humour noir grinçant et aux mauvaises manières. Ann est une chanteuse lyrique adulée par la planète entière. L’ange qui n’en finit pas de mourir pour les autres et le monstre odieux tombent amoureux l’un de l’autre. S’en suivent la vie de couple star, la procréation et la naissance de la petite Annette. Mais le rêve hollywoodien est un trompe l’œil. Dégageons d’emblée le sujet, si on est parfaitement allergique à la comédie musicale, il conviendra de passer son chemin car il n’y a ici aucun répit pendant ces 2h20. Perso, je préfère une alternance de dialogues et de chants mais la formule all inclusive d’Annette ne me rebute finalement pas pour autant. Il faut dire que ça commence fort avec une scène d’ouverture en plan séquence mettant surtout en scène les Sparks, les véritables héros de l’entreprise. Ça rappellera un peu le Tommy des Who. Très vite, on fait connaissance avec le personnage le plus intéressant de l’histoire quand on assiste au show scénique d’Henry. Explosif. Par la suite c’est une alternance de fulgurance et de mauvaises idées. Car ce qu’on retient du spectacle, c’est son inconstance. Il y a de véritables moments de grâce qui rappelleront le meilleur d’un Lynch ou d’un Ken Russell tendance baroque. La romance fonctionne alors à plein, en totale démesure, à fond sur l’autoroute de la tragédie. Et puis à d’autres moments, c’est le kitsch et le mièvre qui l’emportent et on est noyé sous la guimauve rance. Mais au fond, les scènes down ne font que mettre en avant les scènes up. Et quand on y regarde de plus près, tout ça tient grâce à deux éléments. Le premier est la partition des Sparks à la fois fiévreuse et outrancière, sans concession, en adéquation avec la traduction visuelle proposée par Carax. Certaines chansons restent gravées dans l’oreille et sur la rétine (la déclaration d’amour en moto, la scène du chef d’orchestre interrompu …). Le deuxième ingrédient miracle se nomme Adam Driver. On ne trouvera pas les mots pour qualifier cette prestation à cœur ouvert. Il est tour à tour inquiétant, beau puis incroyablement laid, fascinant et pathétique. Il chante (globalement juste) et hurle sa noirceur. Une prestation très physique qui justifie à elle seule le visionnage. Derrière tous ces procédés de mise en scène, on peine toutefois à dégager un sens avec certitude. Cette histoire est celle du monstre version 2021 qui se cache derrière le prince charmant, celle de la rédemption impossible et celle de la conscience qu’on a soi-même fait naître et qui devient humaine à partir du moment où on l’a identifiée, acceptée et faite sienne. Au final, Annette est une expérience explosive et spectaculaire bien qu’un peu longue qui ne laissera pas indifférent, bourrée de défauts et d’excès mais assez attachante. Ha et dernière chose. On sait maintenant qu’il y a pire que Marion Cotillard. Il y a Marion Cotillard qui chante. Une incompréhensible erreur de casting.