« Ça ne détruit pas, ça crée quelque chose de nouveau »

Après Ex Machina, Alex Garland continue sa route dans le paysage fantastique avec brio. Habitué à sortir des sentiers battus grâce à Danny Boyle avec qui il a travaillé comme scénariste sur 28 jours plus tard et Sunshine, le réalisateur britannique propose une adaptation personnelle et réussie du roman captivant Annihilation de Jeff VanderMeer.

Dans un futur proche, Lena (Natalie Portman), ancienne militaire et biologiste, part en expédition avec quatre autres femmes scientifiques dans la zone X. Cet espace, abandonné et coupé de toute civilisation, est pris au piège par un champ extra-terrestre, appelé le miroitement, qui altère toute espèce vitale. À mesure que le groupe s’enfonce dans cette jungle aussi belle qu’effrayante, il se rend vite compte qu’il s’engouffre dans un lieu hostile pour l’humanité dont Kane (Oscar Isaac), le mari de Lena, a miraculeusement réchappé, non sans de graves séquelles psychologiques et physiques, après une année de captivité.

À mi-chemin entre Rencontre du troisième type, Alien et Premier Contact, Annihilation ne révolutionne peut-être pas le genre mais a le mérite d’aller à contre courant des autres propositions SF du moment. Adieu les sous Blade Runner et autres films futuristes vus et revus biberonnés aux chefs d’œuvre eighties de la pop culture, on se trouve ici dans un univers nouveau, poétique, visuellement impressionnant et énigmatique.

À travers une invasion extra-terrestre non pas destructrice mais exploratrice, Annihilation propose une imagerie brillante et originale des thèmes de la création et de l’évolution dans un ordre établi bouleversé. L’alien s’apparente à Mère Nature qui reprend ses droits sur la Terre en proposant une alternative évolutive passionnante. Prenant comme socle la division des cellules et l’hypothétique survie des espèces par la fusion, Alex Garland a l’intelligence de faire réfléchir son public sur les conditions de notre existence et la dégradation de nos corps. Le parcours du combattant des protagonistes dans la zone X s'apparente à leur propre lutte intérieure contre leurs démons comme l'alcoolisme, la maladie ou la dépression...

Le casting s’en sort très bien, Natalie Portman est surprenante, Oscar Isaac fait le job et les autres (Jennifer Jason Leigh, Gina Rodriguez, Tessa Thompson et Tuva Novotny) apportent chacune leur touche à l’intrigue. Les personnages n’ont que peu de relief et de profondeur mais ce choix scénaristique explique le peu d’importance accordée à l’espèce humaine dans cette histoire qui la dépasse. Ce n’est pas le propos principal d’Alex Garland qui cherche plus à faire briller son univers et mettre en lumière ses conséquences que ses protagonistes. Ce qui permet au spectateur de se sentir impliqué et de développer son imagination et ses interprétations personnelles.

Il est vraiment dommage que la Paramount n’ait pas cru à ce projet au point de demander à Alex Garland de modifier la fin du film, jugée trop complexe, ce que le cinéaste a heureusement refusé. C’est donc Netflix qui a récupéré le bébé pour sa distribution hors USA, ce qui nous permet d’en profiter même si l’expérience dans une salle de cinéma aurait été plus intense, ne serait ce que pour la mise en scène ensorcelante, la photographie et les effets visuels sublimes et les effets sonores incroyables.

Bref, Annihilation est une belle surprise, une pause lyrique et pleine de nuances dans un milieu SF trop prolifique et homogène. Le film possède un ingrédient essentiel que peu de films du genre peuvent se targuer d’avoir en ce moment : une âme.