Auto-Annihilation
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le 13 mars 2018
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Whaou. J’avais entendu beaucoup de bien sur les premiers retours de ce film, mais j’avoue que je ne m’attendais absolument pas à ça. Un film qui s’avère être un très gros micmac de genre (faites un tour sur sa fiche IMDb), mais qu’on pourra très sommairement résumer à un film de SF-horrifique. Mais même là, c’est le restreindre énormément. Tout d’abord, parce que le film est un de mes plus gros cramages de cerveaux de ces dernières années. Non pas parce qu’il nous sort un twist de folie au final, mais vraiment parce que le film prend un malin plaisir à jouer sur notre propre perception de la réalité. C’est tout simplement brillant. Sans même pousser la réflexion très loin, le film se propose simplement de montrer comment notre perception évoluerait si notre réalité serait altérée.
Dans le contexte de la SF-horrifique, l’histoire est on ne peut plus classique, mais ça sera bien dans la façon de nous la raconter que le film sortira du lot. Dans cette façon d’ancrer le tout dans un contexte qui se veut réaliste tout en créant un huis-clos géant. Chaque scène aura son importance, que ce soit pour développer les différentes personnages, ou bien justement pour nous rendre compte de l’évolution qu’elles subissent. Car oui, deux points. Tout d’abord, on a principalement des héroïnes, et là où le film fait très fort c’est que non seulement il ne fait pas passer ça pour une tendance genre « hé, regardez, j’ai un casting 100% féminin, c’est trop cool », mais c’est qu’au contraire il fait passer ça pour normal. Comment ? En intégrant cet élément très tôt dans l’histoire, en lui donnant une raison logique et non forcée.
Le deuxième point, c’est que ces personnages vont évoluer au cours du film, et de façon plutôt marquée. Alors certes, le fait que ce soient des femmes joue un rôle au sein même de cette évolution, car oui, des hommes auraient réagi différemment (cf la vidéo qu’elles trouvent en cours de route). Mais au final, et c’est là le plus important je pense, c’est que leur évolution est naturelle au cours de l’intrigue non pas en raison de leur sexe, mais bien en raison de leur propre expérience, de leur propre passé. Et je trouve ça fabuleux, parce que non seulement cela rend le déroulement de l’intrigue logique et cohérent, mais surtout, ça donne de la profondeur aux différentes personnages.
Et puis il y a bien sûr cette intrigue, que j’ai adoré. Ce côté de pure SF, où la science (la biologie dans ce cas), joue un rôle prépondérant et où le film réussit à expliquer des concepts pas forcément faciles de façon simple mais correcte, faisant un véritable travail de vulgarisation scientifique pour le grand public. Il y a bien sûr des raccourcis, mais l’ensemble tient parfaitement la route. Le dispositif d’avoir le film sur deux lignes temporelles (l’intrigue même d’un côté, puis l’interrogatoire de l’autre) est assez classique, mais la dynamique ainsi créée donne un rythme plutôt efficace, dans le sens où on nous prépare à ce qui arrive sans pour autant nous en dévoiler les éléments. Du coup, l’effet de surprise reste pour le moins complet la plupart du temps.
Le film prendra bien le temps de poser son contexte, puis une fois lancé, prendra bien garde de ne pas se précipiter. On aura ainsi droit à une tension qui grandit petit à petit concernant le mystère qui entoure toutes cette « Shimmer », mais aussi au cours des scènes pivots du film. Encore une fois, le dosage est parfait, et il n’y a aucune longueur alors que l’atmosphère oppressante et lancinante, presque psychédélique et contemplative, du film aurait pu laisser croire le contraire. Ce qui renforce d’ailleurs cette impression sur notre perception de la réalité, car cela crée une dissonance temporelle également, on perd nos repères sur combien de jours passent réellement dans le film, tout comme combien de temps on passe dessus. Et puis il y a ce final, parfaitement dans la continuité logique et de ton du reste, qui finira de nous achever. En nous apportant les réponses dont on a besoin pour comprendre le film, sans pour autant nous donnant celle qu’on aurait voulu avoir pour l’assimiler, laissant ainsi au spectateur la possibilité d’apporter sa propre interprétation.
Sur les autres aspects du film, je n’ai pas grand-chose à redire. Natalie Portman porte à merveille le film sur ses épaules, avec son personnage très bien écrite. Ce n’est pas forcément son plus grand rôle, ni sa plus grande prestation, mais elle donne à Lena une dimension et une sensibilité propre, qui fait qu’on finit par s’y attacher. Jennifer Jason Leigh sera également de la même trempe, faisant un travail plutôt correct, sans forcément briller mais où on sent l’expérience. Gina Rodriguez ; Tuva Novotny et Tessa Thompson apporteront chacune un petit plus propre à leurs personnages, en étant là aussi très justes et attachantes. Encore une fois, l’écriture des personnages aide beaucoup, mais toutes trois réussissent à bien utiliser ce qu’on leur donne à faire. Restera Oscar Isaac, plutôt limité à un rôle secondaire, qui sera dans son registre habituel et dans lequel il est toujours bons.
Techniquement, je dois admettre que Netflix nous propose là une production aux qualités cinématographiques indéniables. La musique fera beaucoup penser à du Hans Zimmer, dans cette utilisation de l’électronique à outrance, sans forcément aller du côté de l’épique mais plutôt dans ce côté contemplatif (un peu comme pour Blade Runner 2049 ou La Ligne rouge), participant ainsi à l’ambiance générale du film. Idem du côté de la mise en scène, plutôt simple et classique, mais très efficace dans ce qu’Alex Garland veut nous montrer et ce qu’il veut nous laisser deviner. Les effets spéciaux seront étonnamment de très bonne facture, tout à fait du niveau d’un film à moyen budget sortant au cinéma, et l’univers créé sera d’ailleurs très intéressant. Tout comme les décors, les deux aspects se mêlant naturellement, et parfaitement mis en avant et exploité par la mise en scène.
Annihilation est donc un film de très bonne qualité, parfaitement dosé. Sans forcément pouvoir concurrencer les blockbusters de SF actuels, le film mise avant tout sur une intrigue et des personnages très bien écrits, ce qui en fait sa qualité première et surtout une œuvre sur laquelle il ne faut pas hésiter à s’attarder.
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le 25 mars 2018
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