Anora
7.2
Anora

Film de Sean Baker (2024)

Après les découvertes récentes de «The Florida Project» et «Red Rocket», qui m'avaient laissé un ressenti plutôt mitigé, j'ai quand même voulu me faire mon avis sur cette nouvelle réalisation de Sean Baker, auréolée il y a quelques mois d'une Palme d'Or.


Et, sans grand suspense, je peux vous dire qu'il s'agit du meilleur film du cinéaste que j'ai pu voir jusque-là.


Continuant son exploration de l'Amérique déclassée, c'est à un vrai-faux conte de fée auquel nous convie Baker.

Œuvre pop et spontanée à l'énergie débordante et contagieuse, «Anora» est avant tout l'histoire d'une (dés)illusion.


La rencontre entre Ani, une jeune strip-teaseuse à la forte personnalité et Ivan, le fils (aux faux airs de Chalamet) d'un oligarque russe, ou 2 mondes à des années-lumière l'un de l'autre.

Des relations d'abord exclusivement professionnelles et tarifées, mais au cours desquelles semblent peu-à-peu naître des sentiments entre nos 2 tourtereaux. Et qui vont aboutir très (trop) rapidement à un mariage spontané à Las Vegas.


Un chapitre construit comme un rêve, comme une bulle (à l'aspect parfois clipesque) à l'intérieur de laquelle vit sereinement notre couple, profitant de tous les excès possibles, car Ivan peut tout se permettre et tout s'offrir sans jamais devoir y réfléchir.


Tout va pour le mieux dans leur monde...jusqu'à ce que la réalité ne les rattrape, et donne notamment lieu à une séquence complètement burlesque et au rythme presque hystérique, faisant intervenir les employés (sorte de Trois Stooges de l'Est) des parents plus que mécontents d'Ivan pour faire annuler au plus vite ce mariage insensé. Et c'est là que les choses vont dérailler et que les masques vont tomber.


Construit en 2 phases (la montée et la chute, le rêve et la réalité), Baker traite avec talent et pas mal d'énergie des différences de classes, de la société de consommation (des corps comme des objets) et de l'illusion des sentiments.


Car derrière ce qui semblait être un prince charmant ne se cachait en fait qu'un enfant gâté et lâche, vivant de la fortune de ses parents, et agissant sur des coups de tête sans jamais penser et faire face aux conséquences, bien humaines.


Ani y croyait à ce rêve, et elle était prête à se battre corps et âme pour s'y accrocher. Mais comme souvent, la réalité, brute et injuste, l'emporte finalement, et elle ne peut rien y faire.

Pas de "Ils vécurent heureux, et eurent beaucoup d'enfants" pour elle.

Mais l'un des plans de fin les plus marquants vus au cinéma cette année, dénué de paroles et tout en lâcher-prise. Parce qu'enfin, Ani est vue pour ce qu'elle est vraiment, sans jugement ni artifices. Parce que ce regard et ce geste, simples et forts, c'est peut-être ça le vrai bonheur en fin de compte.


Une comédie dramatique emprunte d'une belle liberté créatrice, flirtant avec le style documentaire, efficace et sans filtre dans sa manière d'aborder son sujet, même si le récit aurait pu être un petit peu resserré à certains moments (comme lors de la recherche d'Ivan) pour le rendre encore plus impactant.


Une belle Palme d'Or à la forte personnalité, composée d'un très bon casting, et à l'intérieur duquel brille la talentueuse Mikey Madison (Once Upon a Time...in Hollywood, Scream), le cœur de cette anti-comédie romantique délirante, cruelle et finalement profondément humaine.

Raphoucinevore
8
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le 5 nov. 2024

Critique lue 36 fois

3 j'aime

Raphoucinévore

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