Anora
7.2
Anora

Film de Sean Baker (2024)

C'est l'histoire d'une fille qui rêve d'être Cendrillon. Qui aurait pu croire que les carrosses se transforment toujours en citrouilles bien avant minuit quand le prince charmant est un oligarque russe??

Il faudrait qu'on arrête de considérer que tout ce que font les réalisateurs indépendants américains est forcément un conte désenchanté d'une Amérique qui dévore ses enfants, une fable désabusée du capitalisme et autres formules cannoises (voir critique précédente pour en découvrir d'autres).

C'est objectivement un film très creux, sauvé par sa photographie (35mm) et ses acteurs et actrice, même s'ils se débattent un peu avec le vocabulaire limité que le scénario leur offre. La première heure passe bien, en mode rencontre romantique au strip club entre dua lipa de Coney Island et timothée chalamet de Russie, tous deux assez charismatiques pour donner bon espoir : timothée fait des dérapages dans son salon, dua est une une bonne danseuse, les deux ensemble respirent la jeunesse et la vitalité entre casino à Vegas et champagne à l'hôtel.

Puis vient la scène de crise à la villa qui dure VINGT CINQ MINUTES et à partir de là, on commence à patauger. La scène en elle-même est assez rigolote, jusqu'à ce que les cris en continu et la saturation d'insultes à toutes les sauces deviennent insupportables (j'étais presque contente quand anora s'est faite baillonner ce qui n'était pas, je pense, le but). L'actrice principale est celle qui hurle à la fin de Once upon a time in Hollywood, et en effet elle confirme ici son talent pour monter dans les aigus. C'est le problème de laisser trop de place à l'improvisation : au bout de trois répliques il n'y a plus grand chose de neuf qui sort, et il vaut mieux ne pas trop improviser dans une langue que le monteur ne maîtrise pas, alors les acteurs se répètent en boucle et en boucle... vingt cinq minutes...

Toute la suite du film se pose sur le même registre, sans possibilité de se rapprocher de personnages limités par la barrière de la langue (ils ne parlent qu'en fuck). L'héroïne, malgré son tempérament explosif, tient plutôt de la glace que du feu, de la Reine des Neiges que de Cendrillon : elle ne (con)cède rien mais ne se livre du coup jamais non plus. Que veut-elle, d’où vient-elle, qu’aime-t-elle ? Mystère. Tout est occulté par une fine couche de glace qui ne se fissure qu’un peu lorsque, protégée par l'habitacle, au coeur d'une tempête de neige, Anora semble fondre pour la première fois. Le problème, c'est qu'en tant que public on se sent comme vanya après sa treizième vodka et qu'on ne supporte plus grand monde à l'écran à part le brave igor. Le personnage est d’ailleurs la preuve vivante que not all men et not all Russians. Apparemment, seuls les fils et femmes d’oligarques sont des salauds (les oligarques eux-mêmes sont assez sympathiques).

canutins
4
Écrit par

Créée

le 30 oct. 2024

Critique lue 4.6K fois

72 j'aime

6 commentaires

canutins

Écrit par

Critique lue 4.6K fois

72
6

D'autres avis sur Anora

Anora
canutins
4

la Reine des neiges et la citrouille

C'est l'histoire d'une fille qui rêve d'être Cendrillon. Qui aurait pu croire que les carrosses se transforment toujours en citrouilles bien avant minuit quand le prince charmant est un oligarque...

le 30 oct. 2024

72 j'aime

6

Anora
Plume231
7

Cendrillon et le rêve (russo-)américain !

Tout d'abord, à ma grande honte, c'est le premier film de Sean Baker que je vois, donc je ne ferai pas de comparaison avec ses autres œuvres, qui sont autant de futurs visionnages, pour creuser une...

le 31 oct. 2024

37 j'aime

Anora
garystu
6

Une Palme par défaut ?

Encore une fois après Red Rocket, je me pose la question du pdv de Sean Baker sur ce qu'il filme. J'ai l'impression qu'il n'interroge pas les fantasmes masculins qu'il met en image. A savoir ici, sa...

le 20 sept. 2024

28 j'aime

7

Du même critique

Civil War
canutins
2

La zone sans intérêt

Alex Garland avait prévenu: il ne cherchait pas à faire un film “de guerre”, mais plutôt à explorer de manière presque anthropologique la violence, à hauteur d’homme – en l’occurence, de...

le 21 avr. 2024

29 j'aime

8

Challengers
canutins
5

De l'importance de savoir rebondir

5 comme un match nul. Après le succès de Call me by your name et le flop de Bones and all, Luca Guadagnino devait trouver une manière de remettre son amour de la techno, des relations homoérotiques...

le 26 avr. 2024

14 j'aime

Eephus, le dernier tour de piste
canutins
6

En rester au stade

La seule notion de base-ball que j'avais en m'installant dans la salle, c'était le mot home-run. Pas de chance, c'est le seul qui n'apparait jamais dans le film. La veille, on avait essayé de...

le 25 mai 2024

5 j'aime

2