C'est l'histoire d'une fille qui rêve d'être Cendrillon. Qui aurait pu croire que les carrosses se transforment toujours en citrouilles bien avant minuit quand le prince charmant est un oligarque russe??
Il faudrait qu'on arrête de considérer que tout ce que font les réalisateurs indépendants américains est forcément un conte désenchanté d'une Amérique qui dévore ses enfants, une fable désabusée du capitalisme et autres formules cannoises (voir critique précédente pour en découvrir d'autres).
C'est objectivement un film très creux, sauvé par sa photographie (35mm) et ses acteurs et actrice, même s'ils se débattent un peu avec le vocabulaire limité que le scénario leur offre. La première heure passe bien, en mode rencontre romantique au strip club entre dua lipa de Coney Island et timothée chalamet de Russie, tous deux assez charismatiques pour donner bon espoir : timothée fait des dérapages dans son salon, dua est une une bonne danseuse, les deux ensemble respirent la jeunesse et la vitalité entre casino à Vegas et champagne à l'hôtel.
Puis vient la scène de crise à la villa qui dure VINGT CINQ MINUTES et à partir de là, on commence à patauger. La scène en elle-même est assez rigolote, jusqu'à ce que les cris en continu et la saturation d'insultes à toutes les sauces deviennent insupportables (j'étais presque contente quand anora s'est faite baillonner ce qui n'était pas, je pense, le but). L'actrice principale est celle qui hurle à la fin de Once upon a time in Hollywood, et en effet elle confirme ici son talent pour monter dans les aigus. C'est le problème de laisser trop de place à l'improvisation : au bout de trois répliques il n'y a plus grand chose de neuf qui sort, et il vaut mieux ne pas trop improviser dans une langue que le monteur ne maîtrise pas, alors les acteurs se répètent en boucle et en boucle... vingt cinq minutes...
Toute la suite du film se pose sur le même registre, sans possibilité de se rapprocher de personnages limités par la barrière de la langue (ils ne parlent qu'en fuck). L'héroïne, malgré son tempérament explosif, tient plutôt de la glace que du feu, de la Reine des Neiges que de Cendrillon : elle ne (con)cède rien mais ne se livre du coup jamais non plus. Que veut-elle, d’où vient-elle, qu’aime-t-elle ? Mystère. Tout est occulté par une fine couche de glace qui ne se fissure qu’un peu lorsque, protégée par l'habitacle, au coeur d'une tempête de neige, Anora semble fondre pour la première fois. Le problème, c'est qu'en tant que public on se sent comme vanya après sa treizième vodka et qu'on ne supporte plus grand monde à l'écran à part le brave igor. Le personnage est d’ailleurs la preuve vivante que not all men et not all Russians. Apparemment, seuls les fils et femmes d’oligarques sont des salauds (les oligarques eux-mêmes sont assez sympathiques).