[SPOILER]
Le film s'ouvre sur l'ambiance tamisée et envoûtante du club new-yorkais dans lequel travaille Anora, jeune escort girl qui fascine par sa beauté et son aisance dans le milieu de la nuit.
Quand un charmant client russe entre dans le club, le patron la conduit à ce jeune homme avec qui elle pourra échanger quelques rudiments de russe qu'elle tient de sa grand-mère (c'est à peu près tout ce que l'on saura de l'histoire familiale d'Anora, qui préfère qu'on l'appelle Ani et qui vit avec sa sœur dans une modeste maison en bordure d'une voie ferrée).
Après quelques bons et loyaux services exécutés avec zèle, le jeune oligarque désabusé invite la jeune femme dans l'immense appartement parental où il noie la vacuité de son existence entre des soirées alcoolisées avec ses amis favorisés et des parties de jeu vidéo, en attendant de rejoindre son pays natal où il est attendu par ses parents, qui veulent le mettre au travail.
Le contraste entre la toilette de la jeune femme, qui se présente vêtue d'une robe à paillettes et le quasi-adolescent, qui se déplace par glissades et pirouettes dans son jogging Louis Vuitton, installe le rapport de force. Il veut se divertir pendant ses derniers jours de villégiature dans la ville qui ne dort jamais, elle a besoin d'argent. Malgré une complicité apparente entre ces deux jeunes que tout sépare, leurs rapports, toujours tarifés, ne trahissent pas leurs objectifs respectifs.
Quand ils décident de se marier à Las Vegas, c'est moins par amour que par nécessité, pour lui d'avoir l'exclusivité de cette escort de haut standing "It's my wife !!!" et (surtout) d'obtenir un visa pour les USA et faire un pied de nez à papa et maman ; pour elle de s'assurer une vie confortable auprès d'un bon parti. Ani quitte alors le club de strip-tease en reine, non sans susciter quelques jalousies : elle a "touché le gros lot". Les jeunes mariés célèbrent leur union entre soirées arrosées, trajets en jet privé, et consommation assidue du mariage (dont les plans se répètent à l'envi) dans le luxe de l'appartement familial.
C'était sans compter l'irruption dans ce rêve de pacotille de deux hommes de main de la famille oligarque, un arménien et un russe qui, une fois la nouvelle parvenue outre-atlantique, viennent sonner la fin de la récré.
S'ensuit une scène (interminable) de lutte entre la jeune femme, abandonnée sur place par son dévoué mari, et les deux exécutants aussi maladroits que ridicules dans leur tentative de l'empêcher de s'enfuir. Après que la décoration du somptueux salon ait été refaite par la bagarre, le prêtre orthodoxe Toros, sorte de parrain de l'enfant prodigue chargé de réparer ses caprices depuis sa plus tendre enfance, parvient à retirer la bague de fiançailles (4 carats) et à obtenir d'Ani l'engagement d'annuler le mariage à condition qu'elle puisse parler avant à sa "moitié".
S'ouvre alors une chasse de l'adolescent ingrat dans New York, par une équipe de "bras cassés" composée de la jeune Ani nourrie d'espoir d'obtenir son refus d'annuler le mariage et des trois hommes dévoués à la famille oligarque, qui enchaînent les péripéties toutes plus caricaturales les unes que les autres, dans une ambiance "very bad trip" revisitée.
Retrouvé ivre mort et en bonne compagnie dans le club dans lequel travaillait Ani avant de démissionner pour mener la grande vie, il est emmené de force devant le juge pour demander l'annulation du mariage, avec papa et maman qui ont fait le voyage pour s'assurer que les intérêts familiaux soient bien gardés (il ne manquerait plus que le patrimoine familial ne se disperse…). L'ado rebelle ne fait pas de résistance, et annule sans moufter le contrat sans égard pour celle qu'il considère depuis le début comme un amusement éphémère.
Le rire sarcastique du père lorsqu'Ani jette à la figure de la mère le manteau en fourrure dénote l'ennui mortel de la famille oligarque et le divertissement bienvenu que constitue cette mascarade.
Retour à la case départ pour Ani qui, après une nuit platonique chez le gentil homme de main russe qui la ramène à bon port, se retrouve devant sa maisonnette de banlieue.
Avant les adieux, il lui restitue la bague discrètement subtilisée comme maigre consolation et marque de son affection. Elle ne trouve d'autre façon de le remercier qu'en reprenant ses habits d'escort, avant de s'effondrer sur l'homme stupéfait, qui ne saurait de toute façon lui offrir ce qu'elle recherche.