Je ne voulais pas spécialement voir Anora, je ne connais pas le réalisateur, et ça ne me donnait pas plus envie que ça (surtout que c'était long). Bon j'ai bien fait d'y aller, car c'était plutôt chouette, même si je suis mitigé car j'ai plusieurs reproches, et j'ai bien mis 40 minutes à rentrer dans le film.
Toute la première partie avant que les mecs débarquent à la maison pour faire annuler le mariage, j'avoue que j'ai pas franchement accroché, j'ai trouvé ça un peu long pour pas grand chose, alors que paradoxalement tout va bien trop vite. En fait, le gros soucis, c'est que cet amour je n'y ai pas cru, à aucun moment. Je vois bien le côté conte de fée superficiel, critique du rêve américain complètement débile et artificiel, mais pour moi ça ne fonctionne pas trop, parce que l'alchimie entre les deux, ben elle est légère... Je ne comprends pas pourquoi elle le suit aussi facilement (bon l'argent, mais on voit bien que c'est pas que ça pour Ani), pourquoi elle se fait une illusion sur un éventuel amour... Alors que le type est clairement un sale con, un gros gamin égoïste et immature qui veut juste baiser et se marrer... Alors si la fille avait été traitée comme quelqu'un de très naïf, de rêveur, d'influençable... Pourquoi pas, mais bon là on voit clairement que c'est quelqu'un avec du caractère, qui ne se laisse pas marcher dessus (et la suite du film le confirme évidemment), alors je ne vois pas pourquoi elle tombe aussi vite dans ses bras... Clairement l'argent ne fait pas tout, et tout va bien trop vite pour que j'y crois, ce qui fait que son sentiment de trahison, par la suite, est un peu étrange...
Bon, c'est pas si grave, parce que c'est vraiment super bien joué, et que ce personnage, son amour, sa peine, dans la deuxième partie, et ben j'y crois vraiment, mais ça aurait encore mieux fonctionné si le début n'était pas aussi bancal.
Heureusement, quand les gars débarquent à la maison pour vérifier si les rumeurs de mariage sont vraies, le film décolle complètement, avec une scène vraiment réussie dans la maison, en huit clos, à la fois très drôle et longue, longue... Limite ça aurait pu durer plus longtemps, ça m'aurait pas dérangé. Et là, vu qu'on évacue le Ivan de l'histoire ou presque (personnage assez inintéressant, franchement), et qu'on va passer une bonne partie du film à le chercher, en suivant ce groupe de 4 personnages misérables et vraiment truculents, ben j'ai vraiment apprécié. Certes il y a quelques facilités d'écriture (le mec au nez pété qui devient un comic relief, ou l'évolution du personnage de Igor, sans grande surprise, ça me semblait évident que ça allait finir comme ça), mais j'ai ri, et surtout tous les personnages font vrais, sont vraiment touchants. Le montage qui multiplie les scènes où Toros demande si on a pas vu le gamin avec la photo, les moments ultra gênants dans la voiture, la scène où ils débarquent dans le club de strip... Non vraiment, ça, c'était bien (et le père de Ivan qui se marre quand ils signent les papiers et qu'Ani l'insulte copieusement, ça m'a bien fait marrer, ça peut paraître étrange, mais la situation est tellement ubuesque).
Un mot sur l'actrice principale, juste parfaite, c'est vraiment le genre de personnage féminin que j'aimerais mettre dans un film moi aussi... Fort, sarcastique, mais très beau dans sa fragilité. Je ne sais pas si c'est le rôle de sa vie (j'espère pas, elle a que 25 ans), mais elle porte pas mal le film. C'est sa bouille qui m'a donné envie d'y aller, et vraiment elle est superbe. J'ai hâte qu'on la revoit dans d'autres bon rôles dans le futur.
Et puis même si je trouve que l'évolution de la relation entre elle et Igor sur la fin était trop prévisible, un peu attendue, j'ai vraiment aimé les deux dernières scènes, celle où ils discutent en passant une dernière nuit dans la maison (scène assez longue, qui fait très vraie je trouve), et surtout la dernière scène dans la voiture, avec cette pauvre gamine en pleurs, et cette étreinte finale qui suit un geste de tendresse... Avec cette neige qui tombe, le bruit des essuis-glace répétitifs (sans musique derrière, ouf !). C'était très beau, une belle fin. Ça montre que Sean Baker a quand même des idées de cinéma qui peuvent réellement fonctionner et émouvoir (perso, ça m'a touché), et que c'est un cinéaste qui n'est pas dénué d'un certain savoir-faire. Je ne sais pas si ça me donne hyper envie de voir ses autres films (moyen, honnêtement), je ne sais pas non plus si ça méritait la palme (perso j'aurais vu un prix d'interprétation féminine), mais c'était plaisant, passé le début un peu bof. Quelque part je suis content qu'on récompense ce genre de films, qui est loin d'être parfait, qui n'est pas un grand film, mais qui est très attachant, et un peu émouvant, quand même.