Dans ce film surprenant, Kim Yun-seok (acteur notamment dans The Chaser, ainsi que The Murderer et Sea fog) passe à la réalisation pour explorer une situation d’adultère sous un jour original qui lui permet de confronter deux générations.
Centré sur la jeune génération, Another child montre Joo-ri et Yoon-ah, deux adolescentes qui se côtoient au lycée. Rapidement, il apparaît que Dae-won (Kim Yun-seok), le père de Joo-ri entretient une liaison avec Yeong-joo la mère de Yoon-ah. Une liaison qui doit durer depuis quelque temps, grâce à une certaine discrétion.
Le film ménage de nombreuses confrontations qui permettent de comprendre les personnalités des différents protagonistes. On comprend que les deux jeunes filles (interprétées avec justesse par Kim Hye-jun et Park Se-jin) observent ce qui se passe et découvrent les faux-semblants qui gangrènent le monde des adultes. Surtout, il se dégage de l’ensemble un certain désenchantement, car si le monde des adultes tolère des situations que la morale réprouve, c’est parce qu’il est difficile de concilier la vie de famille et les envies profondes. Et puis, les adultes peuvent malheureusement se comporter de façon assez irresponsable. Ainsi, les jeunes filles réalisent que Yeong-joo est enceinte et qu’il faudra bien se préparer d’une manière ou d’une autre à la venue du bébé.
Bien évidemment, nous avons droit à de nombreux moments de crise, car la situation s’avère inextricable. Rapidement, les jeunes filles se heurtent violemment, car Joo-ri reproche à Yonn-ah la légèreté de sa mère. Pour Joo-ri, tout est de la faute de Yeong-joo qui se débrouille seule pour élever sa fille avec comme ressource le restaurant où elle cuisine. Mais Dae-won est-il davantage responsable de ses actes ? On voit bien que chez lui, l’ambiance est pesante. Depuis un certain temps, il fait chambre à part et sa femme semble vraiment dépressive. La question qu’on se pose : est-elle dépressive depuis longtemps ou bien à cause de l’infidélité de son mari ? Ce mari, Dae-won, a bien du mal à assumer la situation. Il se protège tant bien que mal par un certain laconisme et il se réfugie derrière l’attitude de l’homme jamais disponible, car trop pris par son travail. Incapable de résister à son envie de voir Yeong-joo sur le point d’accoucher et venu à la maternité en cachette, il tente maladroitement de ne pas se faire voir des adolescentes.
L’ensemble traduit de manière personnelle le malaise de la société coréenne, prise entre son obsession de la réussite matérielle (les intérieurs sont très corrects, pas spécialement étriqués), et les aspirations individuelles souvent difficilement compatibles. Le mariage c’est le conformisme, la sécurité par l’intégration dans une sorte de moule, avec foyer et enfant(s). Mais cette image d’une certaine réussite doit se confronter aux pulsions individuelles. Qu’est-ce qui pousse Dae-won et Yeong-joo l’un vers l’autre ? Probablement le simple désir, le besoin de s’échapper d’un carcan un peu trop rigide et peut-être l’érosion d’un mariage qui tient depuis des années. La vraie difficulté, c’est d’assumer les conséquences.
Finalement, la venue du bébé est révélatrice. Pour les parents, ce bébé constitue un poids. Pour les jeunes filles horrifiées par la situation, une fois qu’il est là, l’instinct maternel se montre plus fort que tout. Elles se montrent capables de tout accepter pour pouvoir s’en occuper. D’ennemies irréconciliables, elles peuvent devenir amies à force de devoir composer avec un événement qu’elles vivent de la même façon. Pour la génération des parents, l’accouchement est au contraire l’émergence d’une réalité peu reluisante : leurs engagements de jeunesse ont volé en éclats et l’image qu’ils présentent à la génération de leurs enfants n’est guère reluisante.
Le film montre donc une génération absorbée par le travail. Quelque chose de frustrant qui amène à l’occasion des liaisons qui peuvent devenir dangereuses et révélatrices. L’érosion par le temps n’est pas spécialement originale, mais le réalisateur parvient à faire sentir comment et pourquoi on en est arrivé à cette situation très bancale, en faisant émerger les personnalités de la génération des parents, par l’observation au travers des yeux des enfants. Un portrait d’ensemble assez désenchanté bien à l’image des couleurs de l’affiche. Comment assurer ses responsabilités de parent quand on montre une image assez déplorable de sa vie à son enfant ? Heureusement, le film montre que le lien parent-enfant est suffisamment fort pour que l’essentiel soit assuré : la vie au quotidien et la venue du bébé dans des conditions décentes.
Avec son minutage raisonnable (1h36) et un nombre de personnages principaux limité à 5, le film met en scène avec intelligence et sensibilité, les relations entre les uns et les autres, pour faire comprendre la teneur des enjeux, les personnalités et l’évolution de la situation. On peut également ajouter une façon de montrer ces personnages qui permet de sentir au moins un peu les mentalités et façons de vivre des coréens.
Sans être une réussite majeure, Another child mérite la découverte.
Film vu au Festival du cinéma coréen à Paris le 2 novembre 2019