Pour tout dire, je ne connais quasiment rien d'Anselm Kiefer. Mon premier et seul contact avec son œuvre a été d'aller voir l'exposition au Grand Palais éphémère fin 2021. Des immenses toiles, mélange de peinture, de collages et d'assemblages de matières végétales, de tissus et autre... agrémentées de textes en allemand que je ne sais pas lire et des références nombreuses à "Paul Célan", écrivain dont je ne connais rien. Autant dire que tout ça restait assez obscur pour moi.
Octobre 2023. sortie du nouveau film de Wim Wenders "Anselm" sur son ami artiste, comme il l'avait fait auparavant avec son autre amie Pina Bausch en 2011.
On a affaire ici à un documentaire qui n'en est pas tout à fait un (pas dans sa forme la plus classique en tout cas) et qui tient tout autant de l'œuvre d'art.
Un jeu de poupées russes : Un artiste qui nous raconte un artiste... Une œuvre d'art dans une autre œuvre d'art. Personnellement j'adore cette forme trop rare -à mon avis- et ça m'a rappelé par exemple l'excellent "Austerlitz" (2015) de Stan Neumann avec Denis Lavant. Là encore... un documentaire qui dépasse largement la simple forme et les codes du documentaire classique.
On suit tout de même (de façon non exhaustive) le parcours d'Anselm Kiefer, de son enfance à aujourd'hui, en faisant étape par les différents pays et villes dans lesquels il a établi ses ateliers. Des extraits d'interviews nous font revivre différentes polémiques qui ont jalonnées la carrière de cet artiste controversé (qui en tout cas ne laisse personne indifférent, en bien ou en mal).
C'est dans la forme comme dans sa narration que le film prend ses libertés. C'est une des caractéristiques que j'ai appréciées ici : On sent que Kiefer fait entière confiance en la vision d'artiste de son ami et qu'il a laissé une totale carte blanche à Wenders.
Les cadrages et travellings très beaux (Wenders sait tenir une caméra, pas de doute), le rythme lent, rappellent parfois les road-movies du réalisateur. Deux alter-égos mettent en scène un Anselm Kiefer enfant et un autre jeune adulte. Des images d'archives d'après guerre viennent renforcer le lien constant qu'entretient l'œuvre de Kiefer avec le passé allemand de la seconde guerre mondiale et le travail de mémoire.
Sans le connaitre ou le comprendre beaucoup mieux (ce qui demanderait beaucoup plus de temps), j'ai eu le sentiment de voyager un peu dans la tête d'Anselm Kiefer.
Suivant la volonté du réalisateur l’artiste n’explique d’ailleurs jamais son œuvre. Le spectateur s’en fera sa propre lecture, éclairé par le chemin que le film nous fait parcourir.
"Anselm" est une œuvre sensible, pas forcément la plus exhaustive pour qui voudrait en apprendre le plus sur Kiefer, mais une œuvre très personnelle et qu'on sent faite par un ami proche, artiste lui aussi.
Le genre d'œuvre qui me rend un peu plus curieux, un peu plus ouvert d'esprit.
Le genre de film dont je sors en me sentant un peu plus intelligent qu'en entrant.