Anthropophagous fait parti de ces films dont la sulfureuse réputation dépasse d'assez loin la réalité de ce qu'ils sont vraiment. Il aura suffi de deux petites scènes horrifiques chocs et crapoteuses pour que le film se trimballe une réputation de film d'horreur extrême et de monument du gore. Si ces deux séquences font encore et toujours leur petit effet dans l'ensemble Anthropophagous apparaît aujourd'hui comme bien sage et inoffensif voir presque ennuyeux, même si il ne faut pas oublier que le film restera interdit 18 ans dans certains pays.
Anthropophagous (The Gream Reaper) raconte une histoire d'une bande de jeunes adultes qui se rendent en vacances sur une petite île grecque afin que l'une d'entre eux y retrouve des amis. Une fois sur place ils se rendent compte que l'île est totalement désertée de ses habitants et qu'un mystérieux tueur y rode.
Anthropophagous est un film de Joe d'Amato immense artisan du bis italien qui avec quasiment 200 films au compteur s'est frotté à tous les gens et à tous les excès allant du cinéma d'aventures au giallo en passant par le péplum, le western, le post-nuke, l'érotisme, le gore et la pornographie. Avec Anthropophagous le réalisateur italien poursuit sa période gore entamée avec Blue Holocaust et qui se poursuivra plus tard avec Horrible. Il nous propose ici un film proche du slasher, du moins de certains des codes du genre, puisque le film va s'avérer paradoxalement et malgré sa sulfureuse réputation comme un film d'ambiance peut-être plus que comme un film gore. Après une courte mais assez efficace mise en place, le film va prendre tout son temps pour installer un climat anxiogène avec ses touristes perdus dans une ville fantôme. A la recherche d'indices et d'explications les personnages errent longuement dans d'inquiétants dédales de rues étroites aux murs blancs écrasés de soleil, explorent d'étranges ruines et s'aventure dans les bâtisses vides à la recherche d'une explication à cette (v)île fantôme. Accompagnée de la musique synthétique grandiloquente de Marcello Giombini la mise en scène de Joe d'Amato installe un climat de mystère anxiogène autour de cette intrigue et cette menace qui ne cesse de roder autour des protagonistes. Il faudra attendre le dernier tiers du film pour que les débordements gore prennent le pas sur l'intrigue générale.
Anthropophagous est le fruit d'une étroite collaboration entre Joe d'Amato et Georges Eastman qui en plus d'incarner le tueur anthropophage occupe également les postes de producteur et de scénariste sous le pseudo de Luigi Montefiori. Le comédien à la stature imposante incarne donc le tueur cannibale monolithique du film avec une tronche tartiné de latex purulent, ses dents pourries et une coupe de cheveux à la Léo Ferré. Une figure inquiétante, froide, silencieuse et inquiétante qui s'impose sans trop de soucis en dépit de son look discutable. Quant au scénario du film on sent qu'en dehors de son grand axe principale d'un tueur cannibale avec des touristes paumés sur une île déserte il n'a pas grand chose à offrir à l'image d'un flashback un peu bancal nous expliquant comment l'homme Klaus Wortmann est devenu le monstre anthropophage. A noter toutefois la sympathique idée d'une jeune fille aveugle capable de sentir la puanteur de chair et de sang du tueur dès l'instant que celui ci se retrouve dans les parages.
Niveau gore le film doit donc sa sulfureuse réputation à deux scènes chocs, celle d'un fœtus arraché du ventre de sa mère et dévoré tout cru (rassurez vous, au risque de fâcher les animalistes, ce n'est qu'un lapin dépecé) et la fameuse séquence montrant notre cannibale s'auto-dévorer les entrailles mais comment résister à un plat de tripes servi bien chaud. Pour le complément alimentaire on restera dans du classique avec morsures au cou, coups de hachoir et autres réjouissances arrosées généreusement de ce sang bien rouge et épais typique du cinéma italien, le tout étant réhaussé par le piqué d'images un peu sale si particulier des films de cette époque. Entre la beauté de son décor estival et la putride puanteur de ses entrailles Joe d'Amato semble s'amuser du contraste de cette ville touristique fantôme dont les rues inondent de lumières et dont les caveaux regorgent de corps en décompositions dévorés par les rats.
Anthropophagous n'est donc pas le sommet gore et craspec dont on parle trop souvent lorsque l'on évoque le film mais il n'en demeure pas moins un bon petit film d'horreur parsemé de quelques séquences chocs toujours prompt à retourner les estomacs trop fragiles.