Gabriel Engel s'adonne à l'un de ses loisirs favoris, en l'occurrence la peinture de toiles dans la mouvance de Francis Bacon mais avec pour matière première du sang humain et plus précisément du sang de jeunes garçons quasi-pubères qu'il extrait directement à la source depuis sa clinique improvisée. Bien plus qu'un artiste-peintre, Engel est avant tout un violeur et tueur en série obnubilé par les jeunes éphèbes.
Alors qu'il est nu et qu'il répand son talent sur une toile, Engel est interrompu par une visite impromptue de deux membres de la Polizeï alertée par une voisine dérangée par les cris émanant de son appart'. Vexé, Engel en cueille un d'une décharge de fusil de chasse à travers sa porte d'entrée. Puis cerné par le RAID local, Engel déploie ses ailes et passe à travers une fenêtre pour se faire la malle. Quelques cascades plus bas qui l'amochent sérieusement, il se fait cueillir par le flic en charge de le traquer.
Voilà résumé en quelques lignes les cinq premières minutes d"Antikörper (Antibodies)" dont l'ambiance ténébreuse évoque évidemment "Se7en"...
"Le monde est injuste. Même pour les tueurs en série. Pedro Alonzo Lopèz a commis 300 crimes sexuels. 20 ans après, qui s'en souvient ? Personne ! Jack l'éventreur est célèbre. Pourquoi ? A cause de cinq misérables putes. Cinq ! Et Charles Manson alors ! Ce hippie qui n'a commis aucun crime de ses propres mains !" Telles sont les pensées qui traversent l'esprit d'Engel lorsqu'il peint. Durant le film, il se qualifiera de "tueur moyen" pour n'avoir "que" 13 victimes à son actif.
Beau joueur, Gabriel Engel revendique fièrement et crûment aux enquêteurs ses infâmes forfaits avec moult détails. Excepté pour l'un d'entre eux...
Herzbach est un bucolique village de province allemande, rural et profondément pieux. Depuis deux ans, la vie de ses habitants est fracassée depuis le viol et le meurtre barbare d'une jeune enfant du pays dont l'auteur n'a jamais été identifié. La douleur et les suspicions ont démoli l'ambiance champêtre du patelin. Aussi lorsque la nouvelle de l'arrestation d'Engel se répand, tout le monde croit pouvoir enfin faire son deuil. Mais le tueur réfute catégoriquement la responsabilité de ce carnage bien qu'il ait sévit à quelques dizaines de bornes de là.
Michael Martens est le seul flic d'Herzbach qui malgré ses moyens modiques et toute son implication, n'est jamais parvenu à élucider le meurtre de Lucia Fiedler. Par solidarité et sous la pression de ses congénères, il se rend en ville, à Berlin pour extirper les aveux d'Engel.
Dès lors, le jeu du chat et de la souris s'instaure entre le quasi garde-champêtre et le serial-killer. Les influences de "Silence Of The Lambs" sautent aux yeux entre la cellule où croupit Engel et son sarcasme "Lecterien". Toutefois, par le biais d'une scènette, cette influence est implicitement assumée grâce à un second degré judicieux.
Le scénario alterne entre présent et flashbacks constituant un puzzle déroutant de 2 heures jusqu'à sa dernière pièce. Aux manettes du film, Christian Alvart prend le temps de creuser les personnalités de son casting dont chacune tient un rôle prépondérant jusqu'au dénouement.
Fait amusant, les acteurs principaux d"Antikörper" ont chacun une ressemblance prononcée avec des collègues hollywoodiens ! André Hennicke qui campe le SK est troublant de ressemblance avec Robert Knepper alias "T-Bag" (Prison Break). Le flic d'Herzbach incarné par Wotan Wilke Möhring est plus connu sous le nom de Kevin Costner et Robert Duvall qui interprète son beau-père, est dissimulé sous les traits de Jürgen Schornagel.
"Antikörper" (à voir dans la langue de Schweinsteiger) est un polar saisissant doté d'un scénario solide, d'une réalisation moderne et habile pour alterner flashbacks et présent, une photographie réussissant parfaitement à restituer une ambiance propre à chaque séquence (l'ouverture, la cellule, Berlin by night, la verte campagne) et un casting au jeu irréprochable.
Encore un coup de maitre du cinéma des futurs champions du monde de fussball !