Je m'appelle Patrick, je suis dans la fleur de l'âge et toujours d'une grande disponibilité pour qui sait me parler et me prêter un peu d'attention. Ames solitaires et surtout sensibles, chaque jour davantage, aux grand espaces de la Lozère, Antoinette et moi étions faits pour nous rencontrer, nous quitter puis nous retrouver pour, peut-être, ne plus jamais nous séparer.
Je suis de père irlandais et de mère cévenole, cela explique mon patronyme mais également mon attrait pour les grands espaces déserts de ma Lozère natale. Plutôt réservé et même un peu taiseux, je ne me lie pas facilement mais quand je donne mon cœur, c'est pour toujours car je suis aussi fidèle en amitié qu'en amour. Antoinette m'a plu au premier regard.
J'ai aimé notre lente pérégrination à travers l'océan de pierres, d'herbes et de forêts du Chemin de Stevenson; j'ai aimé le grand silence de la petite montagne, les caresses du vent et de la voix d'Antoinette. J'ai aimé sa confiance quand elle m'a confié son amour difficile, presque douloureux, pour Stanislas qui randonnait avec sa famille non loin de là. Je me souviens avec émotion de la nuit inoubliable que nous avons passée ensemble au milieu des bois quand nous nous sommes égarés. Je ressens encore la douceur de sa peau contre la mienne, sous le regard protecteur de la chouette-hulotte et la bienveillance du renard, réchauffés par le souffle du lièvre et celui de la biche des bois.
Pour quelles raisons les filles sont-elles si souvent amoureuses d'un homme qui n'est pas libre ou qui ne leur offre que si peu ? Eléonore est l'épouse de Vladimir et la mère de la petite Alice dont Antoinette est la maîtresse d'école. Eléonore devine que la rencontre près du Mont Lozère n'est pas fortuite et qu'il y a fleurette sous roche ; elle aussi interroge Antoinette, qui ne lui répond pas.
Je vais vous le dire franchement, quand Antoinette m'a présenté ce Vladimir, je l'ai détesté sur le champ et je le lui ai fait savoir de la manière la plus brutale, par un braiement explicite, comme je le fais chaque fois que la jalousie me fait sortir de mes gonds. Je m'interroge encore sur ce qu'elle a bien pu lui trouver à ce Casanova au regard un peu fuyant et à l'air faussement innocent.
Avec son Antoinette dans les Cévennes, Caroline Vignal fait honneur aux amateurs de cinéma. Je me réjouis de Laure Calamy qui porte avec finesse et sensibilité son film. Je me suis totalement identifié à Patrick/Jazou et Pedro qui est l'âne le plus sympathique que j'aie rencontré depuis longtemps. Il faudra nous le bichonner celui-là avec ses grandes oreilles qui donnent toujours l'impression qu'il est attentif à tout.
J'ai trouvé le film, léger, très léger au sens le plus noble de ce mot. Caroline Vignal nous raconte une histoire d'amour qui aurait pu se transformer en un vaudeville à la campagne mais Antoinette/ Laure Calamy, son amoureux à l'écran Vladimir/Benjamin Laverhne et Eléonore/Olivia Côte, l'épouse délaissée, lui évitent de sombrer dans ce triste néant. De mettre à contribution l'ambiance des gîtes, même en forçant un peu le trait, pour faire d'Antoinette Lapouge l'égérie de la saison sur le sentier de randonnée, il fallait y penser. L'idée a contribué à l'émotion ressentie et fait entrer le film en résonance avec une scène de Crocodile Dundee, quand Mickael crie son amour à Sue sur un quai du métro de New-York et que celle-ci ne comprend pas ce qu'il dit car une centaine de voyageurs les sépare. Chacun relayera la déclaration d'amour jusqu'à la destinataire comme l'histoire d'amour, un peu désespérée, d'Antoinette va courir de gîte en gîte tout le long du sentier de grande randonnée.
Hi han,Hi han ! Eeeh hou , Eeeh hou ! Liiaa iiaa, Liaa iiaa ! Hin hin, Hin hin ! Igaaah, Igaaah ! Ceci est ma contribution pour les versions futures en anglais, en allemand, en japonais et en espagnol, d'Antoinette dans les Cévennes. Ma participation également à la construction de la bonne humeur en Europe et accessoirement au bonheur de notre balance des paiements.
Post scriptum
Jazou interprète le Patrick aimable, doux et paisible de certaines scènes. Pedro est son cousin plus remuant et moins docile dans d'autres scènes. Moi-même je double l'un et l'autre dans certaines cascades audacieuses.