Toute rentrée digne de ce nom a besoin de sa petite comédie à succès.
Rendez-vous compte, Antoinette et son âne ont déjà fait marcher plus de trois cent cinquante mille spectateurs. C'est ce qui s'appelle cartonner, sans doute, surtout en ces temps de masque et de gel hydro alcoolique.
Cela mettrait presque cette boursouflure de Tenet à l'amende, tiens.
Toute comédie à succès a besoin de sa promotion ardente, dans laquelle les magazines féminins figurent en bonne place, du genre « un petit bijou de drôlerie qui touche en plein coeur » (Marie Claire), « Laure Calamy crève l'écran en randonneuse amoureuse » (Elle) ou autres « On rit de bon coeur avec cette Antoinette si tendre et si ingénue, sa spontanéité désarmante, ses doutes, ses mirages » (Femme Actuelle).
Sauf que le charme de Antoinette dans les Cévennes est loin d'avoir eu l'effet escompté sur moi. Désolé. C'est pourtant pas faute d'avoir voulu embrasser l'enthousiasme de l'ami Nielk dont je recommande par ailleurs la lecture...
Alors même que la première partie de sa randonnée partait sur de bons rails, présentant son affaire comme une sorte de conte aux accents frais et actuels. Antoinette se montre même à l'occasion touchante dans les mirages sentimentaux qu'elle entretient encore, à des kilomètres de la désillusion et du cynisme dont se parent tant de jeunes femmes dans la vie réelle.
Ainsi, dans les pas de Robert Louis Stevenson, ses envies de retrouver son amant crèvent l'écran, tout comme sa spontanéité désarmante et sa maladresse.
La rencontre avec son âne ménagera, elle, quelques moments sympathiques et touchant quand ces deux là s'apprivoiseront longuement. Et l'on rêve que cette randonnée en duo, à courir derrière des illusions, ne prendra jamais fin et qu'elle conserve pour toujours sa forme poétique.
Sauf que la seconde partie du film m'a fait l'effet d'une lourde chute dans un fossé, commençant avec celle d'Antoinette, d'un burlesque trop gros qui rompt immédiatement le charme fragile de l'oeuvre. Ecueil que n'avait pas pu éviter La Vache, sur le même thème de la balade candide.
Et à partir de cet instant, Antoinette dans les Cévennes ne manquera pas de vautrer son personnage dans tous les passages obligés et les conventions du genre : la femme trahie n'est forcément pas dupe et se fritte à mots couverts avec sa rivale. L'amoureuse ingénue aura le coeur brisé, bien sûr. Elle voudra rentrer à Paris, à l'évidence, sans pour autant éviter de se consoler avec un coup d'un soir. Avant, évidemment, d'offrir à son personnage féminin la promesse d'une autre relation amoureuse juste avant le générique final.
Tout cela ne serait finalement que dérisoire si, alors qu'on érige la pourtant jolie Antoinette en petit succès populaire, on ne demandait, en parallèle et avec ardeur, des films décrivant la femme autrement que comme nécessairement inféodée au mâle. Ce que Antoinette dans les Cévennes échoue assez malheureusement à faire.
Laissant tomber en chemin toute la poésie que l'on était en droit d'attendre, toute légèreté dans le propos, tout le charme originel d'un duo atypique.
A croire que les journalistes cinéma de la presse féminine se sont barrés de la salle à mi-séance...
Behind_the_Mask, âne bâté.