La véritable ampleur d’Apocalypse Now est révélée par un vertige communicatif, qui trouve son point d’orgue lors de plusieurs illustrations hypertrophiées, à la fois violentes et planantes, à l’instar de la séquence culte de l’attaque des hélicoptères sur les Walkyries (ou des hommes prennent leur dose d’adrénaline en orchestrant une boucherie voluptueuse).
En faisant d’un soldat déraciné et déjà anesthésié l’intermédiaire de l’immersion, Apocalypse Now se fonde sur un parti-pris fort. Il empêche l’identification mais paradoxalement renforce l’emprise psychique (parce que nous-mêmes sommes dépouillés de références trop connotées – il y a un travail d’épure acharné). L’odyssée est communicative, le spectateur fait corps avec ce chaos, s’imprègne directement de cet Enfer, sous le regard désabusé, presqu’inhumain du personnage-accompagnateur. Celui-là est un héros dissocié mais néanmoins accroché à sa destinée, se la laissant dicter comme un robot conscient, analysant et commentant en permanence, quoique néanmoins résigné et sans emphase. Il poursuit une logique parce qu’il ne s’appartient plus ; de toutes façons, une rupture serait encore plus perturbante (sortir du trauma précipite dans le vide, c’est pour cela que les victimes restent soumises à leurs bourreaux, qu’ils soient leur parent, leur amant, l’environnement ou la société).
https://zogarok.wordpress.com/2013/02/10/apocalypse-now/