Difficile d'aborder le Vietnam sans mettre en parallèle le classique qu'est Apocalypse Now. Plus qu'un film, le chef d'oeuvre de Francis Ford Coppola est plutôt de l'ordre de l'expérience filmique. Culte pour certains, trop lent pour d'autres, quel que soient les avis, le film a marqué plus d'une génération.
En pleine guerre du Vietnam, le capitaine Willard (Martin Sheen) est réveillé de sa dépression naissante à base de drogues et d'alcool, par les services secrets américains. Ils viennent lui confier la mission dangereuse de retrouver et d'éliminer le colonel Kurtz (Marlon Brando). Réfugié à la frontière cambodgienne, celui-ci possède des pratiques peu orthodoxes et expéditives et il est vénéré comme un Dieu par une tribu d'indigènes. Sur le long du Mékong va commencer une longue quête, un voyage physique entre réel et folie.
Avec Apocalypse Now, Coppola filme la guerre, mais surtout un pays. On oublierait presque que les images ont été tournées aux Philippines tant l'ambiance vietnamienne y est présente. Ce Vietnam résistant et fragile, qui vit les pires heures de son Histoire, dans un paysage toujours paisible. La très longue traversée du fleuve de Willard a des allures de balade bucolique. On se surprend à se laisser doucement porter par ce bateau, oubliant presque le contexte terrifiant qui berce la rive. Pourtant, l'expédition confronte le protagoniste aux horreurs de la guerre et à la cruauté sans limite de l'homme. Un périple qui va le conduire au bout de lui-même avec la folie comme alliée.
Il est impossible de parler d'Apocalypse Now sans évoquer les conditions de tournage dantesques, faisant partie de la légende du cinéma à elles-seules. L'infarctus de Martin Sheen qui handicapa le tournage pendant un mois, un typhon qui ravagea les décors, un Marlon Brando mégalo ne connaissant pas ses textes, 15 mois de tournage au lieu des 4 prévus, ou encore un budget triplé qui endetta son réalisateur, au bord du divorce et du suicide. Le film comme une métaphore imprévue de son tournage. Coppola a vécu sa propre guerre à travers son expérience cinématographique. Le succès de son film, notamment grâce à la Palme d'Or qu'il reçu en 1979, le sauva du gouffre financier dans lequel il s'était embourbé.
Mon ressenti sur cet objet filmique se situe entre le grandiose et le plat. La scène d'ouverture résonnant sur This is the end des Doors met le ton ; ce qu'on s'apprête à voir est inédit. Difficile de ne pas se laisser prendre le ventre par Jim Morrison chantant de sa voix suave l'explosion qui se déroule sous nos yeux. Après ce choc visuel et auditif, avec en plus l'attente que j'avais sur ce film, ma réserve en découle inévitablement. Le cheminement personnel du personnage de Willard est captivant, on éprouve son mal-être croissant. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, entre un Robert Duval insolent, un Dennis Hopper en reporter foutraque, ou encore un Laurence Fishburne prépubère, le panel de caractères différents enrichit l'histoire. Voir les réactions de chacun face à l'horreur commune, apporte un point de vue intéressant à la guerre.
Mais voilà, le temps est long. Il se trouve que je pensais voir la version originale de 1979, et c'est au bout de 2h20 de film sans Marlon Brando, que je fus prise d'un terrible doute. J'étais bien devant la version Redux de 2001, qui dure 3h20. Je confesse, à ce moment je ne donnais pas cher de l'emprise de mon sommeil sur moi. Mais en résistante de guerre, j'ai résisté dignement.
Mon intérêt a repris le dessus lorsque l'équipage arrive (enfin !) dans la cité du colonel Kurtz. La scène où ils pénètrent dans l'enceinte et découvrent les fanatiques, est hypnotisante de beauté et de force. Tout comme la rencontre avec Marlon Brando, qui apparaît dans la pénombre d'une pièce, avec sa voix lourde comme seule présence. Ces moments de cinéma, ceux qui vous prennent sans prévenir sont malheureusement rares selon moi en 3h20. Plus on attend l'apparition de Marlon Brando, plus l'énigme du personnage prend sens, mais j'ai finalement été frustrée de le voir si peu à l'écran.
Apocalypse Now, offre une image inédite de la guerre du Vietnam. Un itinéraire d'enfants pas si gâtés, confrontés à la terreur et à la perte d'eux-mêmes. Malgré mon ressenti mitigé, ce classique mérite d'être vu, autant pour la performance de réalisation que pour le souvenir d'un pays qui a souffert.
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