Tu vois l'ami, j'aime le cinéma. Je l'aime vraiment. Follement. Genre si je pouvais faire des films moi-même par accident j'en serais pas mécontent pour un sou. J'aime son histoire, ses anecdotes, ses mythes et je m'en suis fait une sorte de petite religion perso puisqu'à la naissance on m'a dit "crois en Dieu" et par réflexe j'ai fait caca. Mais je suis quand même pas une bête et je voulais faire plaisir aux miens alors je me suis mis à croire. Le problème c'est que je suis polythéiste et que mes dieux racontent des histoires filmées. Enfin, puisque tu me demandes pas je vais quand même te dire celui que je place au-dessus des autres, genre bien au-dessus, là où toi et moi on grimpe même pas avec un plant de cannabis dans les synapses. Ce type là c'est Francis Ford Coppola.
Alors oui, FFC n'a pas la régularité d'un Scorsese qui pète des chef-d'oeuvres le matin mais Coppola à cette particularité presque unique d'être reconnaissable au tout premier plan de chacun de ses films. Ses cadrages sublimes, ses mouvements de caméra que n'aurait pas renié Kurosawa, tout dans ses images transpire une sorte de charisme mystique. Je suis fasciné par la caméra de Francis depuis mon adolescence et même ses œuvres un peu moyennes me font frémir d'un plaisir à la limite de l'explicable.
Ce que j'aime aussi chez Coppola, c'est son sens de la démesure. J'admire les projets titanesques des Spielberg et autres Nolan mais ce sont des réalisateurs qui n'ont rien de plus que de "l'ambition". Coppola, lui, est mégalomane, c'est un fou furieux, un taré, un mec qui, s'il n'était pas - dieu merci - tombé sur une caméra un jour, aurait démonté des gueules à la sortie des bars. Et pour illustrer la mégalomanie du maître il suffit d'évoquer un film, un seul : Apocalypse Now.
Aventure métaphysique, film d'action qui n'a pas pris une ride, film de guerre halluciné, Apocalypse Now est à peu près tout ce qu'on peut attendre du cinéma. Tout au long de la remontée du fleuve, le Capitaine Willard va tout voir de l'horreur du Vietnam. Et nous, spectateurs, allons vivre toutes les émotions possibles. D'abord tellement nerveux qu'on en frôlerait l'épilepsie, le film se calme lentement pour devenir une odysée contemplative aux mille et une ambiances. Coppola sait tout faire, tout filmer et il le montre trois heures durant dans ce qui reste une des plus grandes œuvres de l'histoire du cinéma. On arrive au Cambodge lessivé, ce qui rend la claque dans la gueule de la dernière partie du film encore plus forte. Bref, Apocalypse Now est une merveille de bout en bout et, encore aujourd'hui, ce cinéma-là, sans effets spéciaux, se regarde avec l'émerveillement que seul sait procurer le "vrai", l'explosion en vrai feu, la cascade en vrai bonhomme, la douleur à peine feinte. Apocalypse Now, comme n'importe quel grand livre, est éternel.
Je vous déconseille la version Redux qui allonge un film qui n'en avait pas besoin et qui rajoute une scène interminable où, malheureusement, le jeu des acteurs français est absolument déplorable. Mais y a des boobs à un moment donc ça peut valoir le coup quand même.