Des pales d'hélicoptères avec comme fond sonore la musique de The End du groupe The Doors. Un plan fixe sur une forêt de palmiers. Des fumigènes, un largage de bombe au napalm. Tout s'embrase. Toujours ces hélicoptères, un fondu nous emmène alors droit sur un ventilateur qui tourne. Nous sommes dans une chambre d'hôtel avec le Lieutenant Willard. Bienvenue dans Apocalypse Now...
Rares sont les films comme celui de Francis Ford Coppola à nous immerger d'une telle manière. L'oeuvre retrace à travers Willard la sale guerre qu'était le Vietnam. Le bourbier. La folie. La mort. Dès le début, on entre dans un univers à part, différent.
D'un point de vue plus technique, quels ajouts y-a-t-il entre la version cinéma et cette version redux? Deux grosses parties sont à sortir du lot. Tout d'abord, il y a ce fameux passage avec les playmates ou les soldats peuvent avoir quelques rapports privilégiés avec ces jolis brins de filles. Ce qui permet de constater, de renforcer cette idée que dans ce film, tout le monde a des problèmes. Tout le monde est fou. Les filles parlent de leurs malheurs, de leurs tics, de leurs obsessions. Les soldats ne songent qu'à baiser, ne les écoute même pas. Il y en a un qui veut même que la fille reprenne la pose qu'il a vu dans le magazine dans laquelle elle apparaissait.
Le second moment est celui de la plantation française. Ce qui permet de nous rappeler que la guerre du Vietnam, ça nous renvoie à l'Indochine. Elle nous rappelle à quelle point cette région du globe a été importante pour les Français. "Ici, c'est chez nous". Voilà ce qu'ils en disent malgré la défaite. Là aussi, ces gens semblent coupés du monde. Willard aura une relation avec l'une des filles de la demeure. Un léger avant-goût de la folie qu'on retrouvera chez Kurtz et sa secte. Mais au final, on ne distingue plus vraiment qui est fou ou qui ne l'est pas.
Qui a raison ou qui a tort? Est-ce Kurtz? Est-ce les supérieurs de Willard? Le lieutenant n'est-il pas devenu fou lui-même? Le Vietnam nous apparaît comme étant la folie à l'état pure. Avec cela, Coppola signe l'une des meilleures oeuvres sur la guerre et la perte de conscience, la démence qu'elle peut engendrer.
Il y a évidement de très grands moments dans le film. J'ai personnellement rarement vu des oeuvres aussi bien mises en boîte. Il y a une multitude de scènes magnifiques, essentiellement avec des plans d'ensemble qui nous montrent toute la région, le coucher de soleil, etc. L'ambiance que crée Coppola est également remarquable. Peut-être est-ce dû au fait que le tournage lui-même fut véritablement mouvementé. La folie semble avoir touché tout le monde et pas seulement les personnages. Le tournage prendra seize mois au lieu de... six semaines. Martin Sheen fera une crise cardiaque. Des problèmes de drogue et d'alcool touchent le plateau. Marlon Brando, en arrivant n'a pour ainsi dire pas lu son script et ne connaît pas les dialogues. Un ouragan frappe le lieu de tournage, situé aux Philippines. Francis Ford Coppola menace plusieurs fois de se suicider et perd quarante kilos. On le dit aussi de plus en plus mégalomane et paranoïaque. Le montage fut également fastidieux puisque Coppola mettra presque trois ans. Revenons toutefois à la mise en scène. L'une des plus belles scènes que j'ai vu au cinéma reste cette fameuse attaque d'hélicoptères sur le village vietcong. En arrière-plan résonne cette incroyable musique de Wagner. Les scènes des prises de vue à partir des hélicos sont splendides. Et j'en oublie...
Que serait le film sans ses acteurs? De Sheen à Ford en passant par l'inévitable Brando, Apocalypse Now redux est composé d'interprètes talentueux. C'est aussi une oeuvre un peu familiale puisque Carmine Coppola signe la musique et Sofia Coppola ainsi que Roman apparaissent lors de la séquence de la plantation française. Eleanor Coppola, la femme du metteur en scène, réalisera un documentaire à propos du tournage de ce film.
Courroné d'une palme d'or à Cannes, de deux Oscars secondaires, de trois Golden Globes et du César du meilleur film étranger, l'oeuvre de Coppola est une franche, très franche réussite. Les mots manquent pour la décrire. Ce film il faut le vivre, le ressentir. Coppola lui-même dira que Apocalypse Now n'est pas un film sur le Vietnam mais le Vietnam!