L'autre film
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J'en serais sorti moins en colère, si Claire Simon n'avait pas fait une promesse lors de sa présentation, en expliquant les causes du projet, son sentiment révoltant. Il s'agissait de répondre aux discours de Darmanin le faquin à la suite du meurtre de Nahel, parlant de parents manquant à leurs devoirs et d'écoles de banlieues qui ne faisaient plus leur travail, avaient leur responsabilité dans la délinquance en n'étant plus républicaines. Le film devait prouver le contraire, devenir un contre-exemple politique et mettre en déroute ces arguments minables.
Politique, c'est scrupuleusement tout ce que n'est pas Apprendre. Tricotage d'une caméra épaule filmant tout et ne sachant quoi retenir, floue par la paresse d'un auto-focus qui fait le point quand ça lui chante, floue aussi car constamment apolitique. La seule séquence qui aurait pu l'être, c'est lorsque des élèves de CHAM de l'école alsacienne viennent jouer de la musique avec ceux de la banlieue d'Ivry. Brouhaha. Une professeure alsacienne demande aux ivryen·ne·s de se taire et d'écouter "la mélodie", autrement dit de laisser seuls les enfants bourgeois s'exprimer et démontrer l'étendue de leurs talents, tout en faisant preuve d'une fausse modestie nauséabonde — "Je ne la connais plus celle-là." Violence culturelle et de classe inouïe, et la caméra de Simon qui laisse le spectacle en entier se produire, filme seulement les réactions des élèves dominé·e·s, démuni·e·s. C'est à en trembler. Cut. Fin de séquence.
Ne pas comprendre que le cinéma devient arme politique quand justement il transforme cette violence en une autre énergie de contre-pouvoir, en résistance, en désordre face à l'ordre bourgeois, en colère, en sursaut, etc., c'est nous laisser dans la tétanie, ne pas dégainer sa caméra de son fourreau. Un film, même s'il se cantonne à filmer le réel, a le devoir d'imaginer les moyens de renverser le rapport de force pour ceux et celles qui n'en ont pas les moyens seul·e·s. Sinon, la violence se poursuit, je me la prends pleine face, et je reste les bras ballants, tétanisé, démuni face au réel donné comme fatalité inaltérable. Le cinéma n'est ni le réel, ni sa captation, tout juste en est-il un révélateur, il en est surtout une réponse.
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Créée
le 2 sept. 2024
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