Soyez réalistes, demandez l'impassible

Quand deux suisses parlent c'est un dialogue, quand il y en a trois, c'est un catalogue. C'est à cette blagounette désuète que j'ai pensé pendant une bonne partie du film. Non pas qu'on voit des suisses dans l'histoire, mais bien parce qu'on a la forte impression de visiter un catalogue d'objets et de sons de 1971.


Placement de Marx


Bien sûr, la reconstitution d'une époque impose l'emploi d'objets et de modes du moment. Le reproche que je m'apprête à formuler a déjà maintes fois été utilisé pour d'autres films, souvent associés aux années 60 ou 70, d'ailleurs (les plus marquées visuellement, sans doute). Difficile d'y échapper cette fois tant, à l'image de la collection de vinyles impeccable que consulte le jeune héros, rien ne manque à la panoplie de l'accessoiriste modèle (Oh, un van Volkswagen ! Oh, un solex ! Oh, un opinel ! Oh, le sac… etc etc). Cette impression de défilé imprègne tous les aspects du film: la musique, la politique, l'artistique, rien n'y échappe.


La flute des classes


Il y a surtout dans la façon qu'à Assayas de présenter ses mémoires quelque chose de mortifère. Une sorte de petite musique triste baigne chaque plan. Voir pendant près de deux heures de jeunes gens atones déclamer sans conviction un chapelet de mantras politiques (dont le décalage avec aujourd'hui n'échappera à personne) est un exercice curieux. Comme si le réalisateur marquait avec recul et amertume l'inutilité d'une lutte et d'une résistance qui, diluée, ne parvient toujours pas, quarante ans plus tard, à trouver le moyen d'être audible avant même d'être crédible.


Émotion de censure


Le problème est d'ailleurs bien là ! Cette atonie concerne chaque personnage du film, à l'image quasi grotesque du personnage de Laure, dont on a bien du mal à saisir une traitre syllabe. C'est, au fond, ce qui m'a le plus choqué dans ce film, et qui a justifié mon impression finale. Sensé peindre le portrait d'une époque un peu folle, faite de luttes, d'espoirs fous et de rêves utopiques, le métrage met en scène des jeunes qui ne rient pas, ne s'engueulent pas, ne déconnent pas, ne dansent pas… en un mot ne vibrent pas. D'étranges et mornes pantins déjà adultes qui posent sur leurs actions un regard distancié et froid.


Auteur d'une biographie clinique, cataloguesque et transparente, Assayas parle au travers de chacun de ses personnages, et ce manque de pluralité produit un résultat lisse et sans souffle.


Et puis merde. Quand on a à ce point le soucis de la précision de la reconstitution, on a pas le droit de faire une erreur comme dans la scène du cours de peinture que suit Gilles. On y voit un modèle dans sa plus parfaite nudité, et il n'aura échappé à personne que la toison pubienne de la demoiselle trahit une mode qui n'aura cours que bien des années plus tard.
Epilation, piège à con.

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le 14 mai 2013

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guyness

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