Vu dans un cineplex à Phuket, Thailande, où il est sorti quelques jours en avance, Aquaman est un immense tour de manège aquatique. Bonne nouvelle pour DC, Marvel n'a pas eu le temps de sortir Namor, son équivalent dans la catégorie super-héros amphibie. Si bien qu' Aquaman conserve encore la primeur, même si on fera facilement la comparaison avec un Thor ou un Black Panther, tant par le contexte de civilisation cachée ultra développée, que dans son aspect détournement d'une mythologie ancienne. Car si Marvel donne plutôt dans les légendes nordiques, DC a un faible pour les divinités Grecques, en l'occurrence ici Poseidon et son fameux trident.
Ce film est tout simplement un déluge de CGI assumant l'overdose. Pas une seule scène ne semble tournée en décors réels. On se demande si Nicole Kidman (une vétérante de DC, ayant débuté dans Batman Forever! ) a accepté le rôle pour avoir le privilège d'être retouchée numériquement et à son avantage. L'introduction avec ce lifting facial est plutôt malaisant, cela met en avant un côté factice qui reviendra dans de nombreuses scènes. Les effets visuels sous-marins donnent l'impression qu'il y a constamment un filtre, une sorte de 'flou aquatique', parfois bien rendu, mais qui brouille assez souvent l'action. De même pour les effets sonores, on a la tête sous l'eau pendant deux heures. C'est bien la le problème du film, les quelques passages 'en surface' sont clairement plus lisibles, voire reposants, sans brouillage numérique ni artifices qui peuvent fatiguer le spectateur. La plupart des engins, costumes et créatures, réminiscences gungan de SW épisode 1, sont également de bonne facture, mais le traitement de la lumière et des couleurs est très inégal, on aurait préféré plus de subtilités sur le modèle d'Abyss. Le fond des mers est à ce point éclairé de toute part que je me suis cru dans Tron Legacy. N'est pas James Cameron qui veut. A la décharge de James Wan, nous conviendrons que le sujet reste assez complexe à traiter, les acteurs ne tournant pas réellement sous l'eau, celle-ci étant essentiellement simulée.
La trame reprend des éléments de "Throne of Atlantis", histoire comportant à l'origine l'ensemble de la ligue des justiciers, mais qui ici se limite à une Origin Story autour d'une lutte fratricide pour le royaume d'Atlantis (toute ressemblance avec une autre Origin Story se déroulant au Wakanda est bien évidemment fortuite). Le rythme, très soutenu, peut s'avérer déconcertant. Alternant flashbacks et scènes d'action avec des dialogues souvent interrompus de manière inopinée, le montage ne nous laisse pas souffler, mais n'arrive pas toujours à surprendre par son caractère systématique. Côté casting, Willem Dafoe (Le Green goblin de Spiderman) en mentor et Patrick Wilson (le Hibou de Watchmen) en demi-frère ennemi, sont tous deux impeccables. Ils donnent suffisamment de gravité à leur jeu pour contrebalancer un Jason Momoa (Khal Drogo dans GoT) faisant un peu trop de fan service ou d'autodérision. Avec son look de surfeur tatoué, il fallait s'y attendre, c'est un peu le Chris Hermsworth de DC (anecdote amusante, Temuera Morrison qui interpreta Jango Fett, est ici le père d'un Aquaman qui, enfant, rappelle également Boba Fett!). Le personnage le plus intéressant mais pas assez developpé est probablement Black Manta qui devra utiliser ruse et technologie face à un Aquaman rarement en danger.
DC met toutes ses cartes sur la table pour combler le semi-echec de Justice League. Dans l'agenda trés serré des adaptations de comics, il devient de plus en plus difficile de se démarquer. Avec un final voulant faire passer pour dérisoires les Kaijus de Del Toro, DC a fait le choix de la surenchère et d'introduire un message écologique, la sauvegarde de la faune marine. La direction artistique peine toutefois à fédérer l'ensemble. Il manque aux scènes épiques et à la photographie la touche Snyder tant espérée, en rappel de cette scène où Kal-el entrevoyait des baleines dans Man of Steel. Une scène dantesque sortira quand même du lot, celle où Aquaman et Mera devront lutter contre les créatures de la fosse, et chercher le salut dans les profondeurs. Généreux et sans compromis, Aquaman maintient, bon gré mal gré, le DCEU dans la course et répond au vieil adage, "there's always a bigger fish". Pour ma part, j'ai plus d'espoir pour le prochain Joker avec Joaquin Phoenix, afin de renouer avec des adaptations plus sobres et inspirées, Nolan avait pourtant ouvert la voie...