Venise, New-York, Gotham, trois villes entourées d'eau et baignées d'histoires et de mystères, elles sont des incubateurs à talents. Génie du spectacle, génie du mal ou bien les deux, un terrain propice pour le vilain le plus célèbre de l'histoire des Comics, lui-même inspiré d'un personnage de Victor Hugo, Gwynplaine "L''homme qui rit" interprété en 1928 par Conrad Veidt. C'est sans doute cette part de classicisme, cet art de se grimer ou de porter des masques, ainsi que les multiples références au cinéma de Scorsese (Taxi Driver, La valse des pantins) qui aura séduit le jury de la Mostra de Venise. Cette année, la ville célèbre pour son carnaval, portera les couleurs du 'Clown Prince of Crime'.
LES JOKEROÏDES
Mesdames et messieurs, veuillez ovationner Joaquin Phoenix dans : "Les Jokeroïdes", une adaptation fidèle de l’œuvre de Martin Scorsese ! Hahaha ! en Dolby Surround, THX, quadriphonique, son digital laser, jamais vu, jamais entendu ! Hahaha !!!!
Car JOKER n'est pas une adaptation de comics comme les autres, c'est une immersion poignante et glaçante dans l'univers d'un des personnages les plus emblématiques de DC. A son image, le film sera noir, glauque, doté d'une photographie HD à couper le souffle, nous présentant un Gotham réaliste dans ses tonalités sombres et subtilement colorées. La prochaine fois que vous croiserez votre assistante sociale, n'hésitez pas à lui conseiller ce film, même si ce monde cruel et corrompu par l'argent et le pouvoir n'a que faire de votre cas désespéré. On a comme une envie d'embrasser sa voisine de palier après un meurtre sanguinaire !
L'astuce du rire maladif est très communicative, j'ai d'ailleurs été pris moi-même de fou-rire par cet Arthur Fleck pour lequel on éprouve aisément de la compassion. Le malaise nous gagne lorsque ce rire incontrôlable manque de l'étouffer. Le Joker est bien l'antithèse de Batman, il est d'apparence joyeuse, à l'opposé du justicier Noir au tempérament sinistre, mais derrière ses dehors d'homme fragile au lourd handicap, se cache un artiste susceptible animé par la vengeance.
Phoenix se surpasse, perds 25kgs et apprend quelques pas de danse et de pantomime, une épreuve qui rappelle celle de Christian Bale dans The Machinist. Lorsqu'il bascule, avec élégance, du côté obscur de la farce, on assiste alors à la naissance d'un démon du spectacle, plus tard suivi de ses adeptes. On est transporté, subjugué par son délire, à travers cette danse macabre où il semble embrasser le mal pour finir devant son propre reflet. Par moments, j'ai cru revoir Birdman, l'acteur ayant un faible pour s'exhiber presque nu, à l'instar d'un autre Batman, Michael Keaton. Plus aucune représentation de clown n'aura la même saveur, après avoir vu le Joker descendre les marches avec une si touchante allégresse, le chemin des Oscars était déjà tout tracé...
Joker est une œuvre émotionnelle qui trouve dans le Rire toutes ses déclinaisons possibles, le rire joyeux, le rire moqueur, le rire sarcastique, le rire caustique, le rire malade, le rire contagieux, le rire fou, le rire terrifiant, le rire mortel, jusqu'à en mourir de rire... Et c'est bien là, le propre de ce personnage de comics, son essence même, l'objectif n'est-il pas de ressortir de la salle le sourire aux lèvres ?