Alors que chaque sortie 2023 des restes du DCEU s'apparente aux derniers râles d'un poisson en train de gigoter sur un tas de ferrailles en plein soleil, il était presque logique que celui-ci s'achève enfin aujourd'hui avec son emblématique super-héros des fonds marins: Aquaman.
En mettant en scène un Arthur Curry en train de se vautrer dans une flaque faite d'eau croupie et de son propre vomi, la scène post-générique de "The Flash" avait mis la barre au moins aussi haute qu'un reportage sur la fabrication du surimi pour nous enlever le peu d'espoir que l'on avait autour de cette suite.... Mais on croisait quand même un peu encore les doigts pour que James Wan et son Momoa à écailles offrent un petit baroud d'honneur aquatique à cet univers DC déjà mort et enterré sous le poids de toutes les arêtes rencontrées durant la dernière décennie.
On le sait plutôt aimé mais, de notre côté, on doit bien avouer que, hormis les envolées de son réalisateur derrière la caméra et la richesse bariolée bien retranscrite du monde et du bestiaire de "Aquaman", on était déjà resté quelque peu de marbre devant la première aventure en solo d'Arthur Curry, celle en compagnie de ses confrères de la Justice League relevait le niveau en version director's cut mais lui-même y peinait toujours à s'imposer comme un personnage réellement intéressant derrière sa simple carrure de colosse, ses tatouages et ses multiples pintes de bière ingurgitées. Bref, la dernière tête que l'on s'apprêtait à piquer avec l'homme qui murmurait aux branchies des poissons n'était non pas pour le super-héros en tant que tel mais plus pour son metteur en scène sans doute toujours capable de quelques séquences inspirées dans la marée noire qui a emporté tout le reste du DCEU.
Et c'est bien une nouvelle fois la seule qualité notable que l'on retiendra dans le très (mais vraiment très) maigre plateau de fruits de mer qu'a à offrir cet "Aquaman et le Royaume Perdu" où seuls surnagent en effet ce monde des mers (et pas mal de terres cette fois), bien plus riche que la plupart de ceux entrevus dans les autres du DCEU par son éventail d'environnements colorés proposés et la diversité des créatures qui y sommeillent (et ce même si on commence déjà clairement à en voir les limites en termes d'imagination), ainsi que certaines séquences portées par le dynamisme de la caméra de Wan pour délivrer des phases d'action qui tentent d'aller au-delà de la masse du genre (on retiendra par exemple une chouette poursuite après un sous-marin ou une phase d'infiltration dans une base ennemie en plan-séquence assez impressionnante).
Ce sera malheureusement le seul gros effort notable d'une suite synonyme de fainéantise sur à peu près tous les autres aspects et rendue encore plus insipide à cause d'un montage digne d'une découpe de thon d'un bar à sushis mal famé, où l'on ressent clairement que tout a été fait pour éliminer les vagues d'un surplus d'ambition et livrer in fine un ultime grand huit super-héroïque sans ambition vertigineuse (il n'y aura d'ailleurs probablement aucune tempête possible autour de la présence de la sulfureuse Amber Heard, sa Mera ayant été visiblement coupée au maximum à chaque fois qu'elle ouvre la bouche, la réduisant à une potiche-geyser qui court constamment après son fils).
Incapable non plus de dépasser l'intrigue du premier film et d'en transformer les restes en un tremplin vers de l'inédit conséquent, le film fait le choix de la facilité et de la redite en misant à nouveau sur la dynamique de ces deux frères ennemis mais pas trop, inversant leurs rapports de force pour les confronter aux desseins maléfiques du trublion vengeur Black Manta (qui n'a pas bougé d'un poil niveau motivations obsessionnelles) et d'une menace encore plus grande qui, on vous le met dans le mille, est née de la rivalité de deux frères... Comme Aquaman a évolué avec l'élargissement de sa famille, paternité et poids des responsabilités vont évidemment se mêler à un récit teinté de messages écologiques aussi subtils qu'une tripotée d'icebergs lâchés dans un étang pour une aventure au faux-rythme assez étonnant, étroitement lié à celui loupé de sa phase d'introduction voulant jouer sur le quotidien humain/roi de son Aquaman et avec lequel, finalement, la totalité du long-métrage ne paraît pas savoir comment se dépatouiller, devenant une caricature de ce qu'un film de super-héros peut faire de pire, tantôt en se focalisant bien plus que de raison sur de mauvaises vannes, tantôt en s'agitant vainement dans tous les sens de l'esbroufe la plus éhontée pour masquer son indigence.
Certes, on pourra dire qu'on a toujours vu pire dans la désormais très longue liste des films super-héroïques de ces dernières années mais, après une triste année 2023 tant chez la concurrence Marvel ("Ant-Man & The Wasp: Quantumania", "The Marvels") que chez ses petits copains de cette ère DC crépusculaire ("Shazam: Fury of Gods", "The Flash", "Blue Beetle"), "Aquaman and the Lost Kingdom" ne fait que confirmer le terrible essoufflement dont est victime le genre récemment et devient l'incarnation même d'un long-métrage incontestablement expédié, dont personne n'avait visiblement que faire tant au niveau d'un public de plus en plus lassé que de têtes pensantes déjà tournées vers des horizons Gunn/Safran peut-être plus prometteurs.
On n'oserait pas dire que l'histoire du feu DCEU méritait une bouillabaisse des grands jours pour son épilogue mais quelque chose de plus sympathique qu'une boîte de Croustibats pas très frais aurait été le bienvenu...